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Elections législatives au Royaume-Uni 2010

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Fondation Robert Schuman

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6 avril 2010
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Fondation Robert Schuman

Elections législatives au Royaume-Uni 2010

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Le 6 avril, le Premier ministre, Gordon Brown (Parti travailliste, Labour) a officiellement annoncé la date des prochaines élections législatives au Royaume-Uni. "La Reine a accepté de dissoudre le Parlement et des élections législatives auront lieu le 6 mai" a déclaré le Chef du gouvernement après avoir rencontré, comme chaque mardi, Elizabeth II au Palais de Buckingham.

Ce sera la première bataille électorale es-qualité pour les leaders des 3 principaux partis politiques: David Cameron, qui dirige le Parti conservateur (Conservative) depuis décembre 2005, Gordon Brown, qui a succédé à Tony Blair à la tête du Labour le 24 juin 2007 (et le 27 juin comme Chef du gouvernement) et Nick Clegg, qui a été élu à la tête des Libéraux-démocrates (Lib-Dem) en décembre 2007. Le dernier scrutin à avoir vu s'opposer trois nouveaux leaders est celui de 1979, que Margaret Thatcher avait emporté devant James Callaghan (Labour) et David Steel (Lib-Dem). Cette élection, quels qu'en soient les résultats, va donc se traduire par un profond renouvellement de la classe politique

A un mois du scrutin, l'écart s'est considérablement réduit entre les Travaillistes et les Conservateurs. Ces derniers ont longtemps été donnés gagnants (avec 20 points d'avance) par toutes les enquêtes d'opinion depuis l'automne 2007. Une victoire travailliste, jugée vraiment improbable il y a quelques semaines, ne paraît désormais plus complètement impossible.

Un pays en plein désarroi

Le Royaume-Uni a beaucoup souffert de la crise économique. Après 6 trimestres de contraction du PIB, le pays n'est sorti de la récession qu'au 4e trimestre 2009 (0,1% de croissance du PIB contre 0,4% prévus), soit après les Etats-Unis, la France et l'Allemagne. Sur l'ensemble de l'année 2009, le Royaume-Uni a vu son PIB se contracter de 4,8%, soit la plus forte baisse jamais enregistrée depuis 1949 par l'Office des statistiques nationales (ONS). Le taux de chômage s'établit à 7,7% de la population active. Il pourrait dépasser 10% d'ici quelques mois. Le déficit budgétaire a atteint 178 milliards £ (193 milliards €) fin mars, soit 12,6% du PIB et la dette publique s'élève à 80% du PIB. Autre fait marquant : de septembre à novembre 2009, les salaires du secteur privé ont stagné, une première depuis 2001.

Au total, l'Etat britannique a engagé 850 milliards £ dans le sauvetage de la City de Londres à partir de l'automne 2008, moment où la crise économique internationale a éclaté. Des mesures sociales ont été mises en place par le gouvernement, certaines sont encore à venir. Les analystes les plus optimistes avaient parié sur les effets positifs de la dépréciation de la livre qui devaient permettre de doper les exportations comme sur le renflouement public du secteur financier et de la forte baisse des taux d'intérêt. La faible croissance enregistrée au 4e trimestre 2009 est mise en péril par la hausse des prix du pétrole et du gaz (dont le Royaume-Uni est désormais importateur), la remontée de la TVA et enfin la reconstitution de l'épargne.

Depuis janvier dernier, les salaires des ministres et des secrétaires d'Etat sont gelés tout comme, depuis début avril, ceux des 120 000 plus hauts fonctionnaires du royaume, des médecins généralistes, des juges, des dentistes et des cadres généraux du National Health Service (NHS), le Service national de la santé. Ces mesures devraient permettre de réaliser 3 milliards £ d'économies d'ici 2014. Le 1er avril 2010, le taux supérieur de l'impôt sur le revenu a été porté à 50% (+ 10 points) pour toute personne gagnant plus de 150 000 £ (165 000 €). Les bonus des banquiers font, depuis avril, l'objet d'une surtaxe de 50% sur toute prime supérieure à 25 000 £. Les bénéfices de cette mesure, à laquelle les Conservateurs ne se sont pas opposés (ils privilégient la suppression des reports déficitaires pour les banques qui exonèrent d'impôt durant une certaine période les établissements ayant essuyé de lourdes pertes en 2009), devraient s'élever à 550 millions £. Le taux de TVA, baissé à 15% au 1er décembre 2008, est, depuis le 1er janvier 2010, de 17,5%. A partir de l'an prochain, dans le cadre de l'assainissement des finances publiques, les cotisations sociales devraient augmenter de 1%. Les 6 millions de fonctionnaires verront leurs hausses de salaires limitées à 1% sur 2 ans et leurs cotisations de retraite augmenter.

Le Royaume-Uni a été affecté par un scandale financier qui a ébranlé le système politique. 392 élus ont détourné le système d'indemnisation des frais professionnels des parlementaires pour se faire rembourser - par l'argent des contribuables – leurs dépenses personnelles (allant de l'achat de matériel de jardinage à celui de logements et à la réalisation de plus values immobilières). Au total, la somme détournée s'élève à 1,12 million £ (1,28 million €). Ce scandale a entraîné la démission du président de la Chambre des Communes, Michael Martin (Labour), ainsi que celle de 9 ministres. 3 députés travaillistes et un lord conservateur sont toujours poursuivis pour vol et comptabilité frauduleuse. Ils risquent une peine de 7 ans de prison ferme. Conséquence probable de ce scandale : 150 députés ont choisi – ou ont été poussés à choisir – de ne pas se représenter pour le scrutin du 6 mai 2010.

L'ancien haut-fonctionnaire, Thomas Legg, a été chargé de rédiger un rapport sur ces fraudes. A ce jour, la majorité des députés ont remboursé leurs dettes. Le Premier ministre Gordon Brown s'est ainsi acquitté de 13 000 £ (14 888 €). 75 parlementaires ont refusé de payer arguant que les sommes qui leur étaient demandées étaient trop élevées. Le traitement moyen d'un élu britannique s'élève à 65 000 £/an (73 000 €), soit plus du double du salaire moyen britannique mais une somme inférieure à la rémunération moyenne d'un avocat ou d'un médecin. La conséquence de ce scandale politico-financier est une méfiance accrue des Britanniques envers l'ensemble de leur classe politique. Plus de 8 personnes sur 10 (82%) considèrent que les hommes politiques leur mentent.

Fin mars, le Sunday Times et Channel 4 ont révélé que 3 anciens ministres travaillistes – Patricia Hewitt, Geoff Hoon et Stephen Byers – avaient accepté de plaider la cause d'entreprises privées auprès du gouvernement pour des sommes allant de 3 000 £ (3 350 €) à 5 000 £ (5 600 €) par jour (les députés ont été filmés en caméra cachée). Ces 3 parlementaires, qui ne se présentent pas le 6 mai prochain, n'ont pas véritablement enfreint la loi puisqu'au Royaume-Uni, les anciens membres de l'exécutif (et les parlementaires) ont le droit de se livrer à des activités de lobbying pour des sociétés privées à certaines conditions (que leurs rémunérations soient déclarées et transparentes et qu'ils n'exercent pas d'activité directement auprès des ministres). Cependant, le groupe parlementaire du Labour a suspendu les 3 anciens ministres, d'autant plus aisément peut-être que ceux-ci ont tous, à un moment ou à un autre, milité en faveur du départ de Gordon Brown. Le Premier ministre, qui tente d'apparaître comme le "Monsieur propre" de la politique depuis le scandale des notes de frais du Parlement, a toutefois refusé d'ouvrir une enquête à leur sujet.

Le système politique britannique

Le Parlement britannique comprend deux Chambres : la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. Les députés de la Chambre des Communes sont élus pour une durée qui ne peut excéder 5 ans. Seuls 3 gouvernements ont effectué un mandat de 5 ans : ceux issus des élections de 1964 et 1997 et celui formé à l'issue du dernier scrutin du 5 mai 2005. Dans la grande majorité des cas, les gouvernements optent pour des mandats plus courts et, sans attendre la fin de la législature, choisissent d'appeler leurs concitoyens aux urnes à la date qui leur paraît la plus favorable pour leur parti.

Pour les prochaines élections, le Royaume Uni est divisé en 650 circonscriptions. En effet, la réforme électorale votée le 31 octobre 2006 a accru de 4 le nombre de circonscriptions et donc celui des sièges au Parlement. Les circonscriptions sont revues tous les 8 à 12 ans. Le vote a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Baptisé First past the post (le premier qui arrive au poteau) en référence au langage des courses hippiques, ce système privilégie le candidat arrivé en tête du scrutin, que celui-ci ait recueilli 80% ou 30% des suffrages. Ainsi, lors des dernières élections du 5 mai 2005, le Parti travailliste a recueilli 35,3% des voix mais obtenu 55,20% des sièges à la Chambre des Communes. Ce système est fatal aux "petits" partis qui ne peuvent obtenir de siège qu'à la condition que leurs suffrages soient géographiquement concentrés. C'est ainsi que les partis nationalistes écossais, gallois ou irlandais parviennent à avoir quelques députés.

Toute personne âgée de 18 ans peut être candidate à l'exception des membres du clergé des églises d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande et de l'église catholique romaine, de certains hauts fonctionnaires, des soldats, des policiers de carrière, des juges et officiers judiciaires et enfin des ambassadeurs. Tout candidat doit, selon la loi électorale, confier la conduite de sa campagne à un agent électoral qu'il peut ou non choisir de rémunérer.

Actuellement, 11 partis politiques sont représentés à la Chambre des Communes:

- le Parti travailliste (Labour), fondé en 1900 et dirigé par le Premier ministre Gordon Brown. Au pouvoir depuis 1997, il compte 356 députés ;

- le Parti conservateur (Conservative), principal parti d'opposition créé au XIXe siècle et dirigé depuis décembre 2005 par David Cameron, compte 198 députés ;

- les Libéraux-démocrates (LibDem), créés en 1988 et dirigés par Nick Clegg, comptent 62 députés ;

- le Parti national écossais (SNP), dirigé par Alex Salmond, a 6 députés ;

- le Parti unioniste d'Ulster (UUP), formation protestante conservatrice irlandaise dirigée par Reg Empey, a 1 député ;

- le Parti démocratique d'Ulster (DUP), formation protestante dirigée par Peter Robinson, compte 9 députés ;

- Sinn Fein (SF), parti républicain et nationaliste irlandais dirigé par Gerry Adams, a 5 députés ;

- le Parti travailliste et social-démocrate (SDLP), formation catholique d'Irlande du Nord dirigée par Margaret Ritchie, compte 3 députés ;

- Respect-The Unity Coalition, formation positionnée à gauche sur l'échiquier politique et créée en 2004 par le journaliste du quotidien The Guardian, George Monbiot, et le président de la coalition Stop the War de Birmingham, Salma Yaqoob, compte 1 député ;

- Independent Kidderminster Hospital and Health, née pour défendre l'unité médicale de l'hôpital de Kidderminster et plus le National Health Service, dispose d'1 siège.

- enfin, un député indépendant siège à la Chambre des Communes.

A un mois des élections, la question majeure est : le scrutin du 6 mai va-t-il accoucher d'une Chambre des Communes sans réelle majorité et donc déboucher sur un hung Parliament (Parlement suspendu) ? Ou, pour le dire autrement, les Conservateurs, s'ils remportaient les élections, pourraient-ils être empêchés de gouverner, faute de majorité suffisante ?

Pour obtenir la majorité absolue au Parlement (326 sièges, soit 117 de plus que le nombre qu'ils possèdent actuellement), les Tories doivent recueillir 5 points de plus que leurs adversaires du Labour, le découpage électoral étant très favorable au Labour (les circonscriptions du nord de l'Angleterre, bastions travaillistes, sont moins peuplées et sont donc plus nombreuses que celles détenues par les Conservateurs). En outre, l'électorat travailliste est concentré dans certaines régions, notamment le nord, tandis que les électeurs conservateurs sont dispersés à travers le pays limitant donc les chances de leurs candidats de remporter des sièges dans des circonscriptions travaillistes.

A un mois du scrutin, le Parti travailliste semble reprendre l'ascendant dans ses fiefs du nord de l'Angleterre où l'image de David Cameron, qui prône une rigueur budgétaire renforcée, est altérée par le souvenir des coupes budgétaires effectuées par ses prédécesseurs conservateurs et notamment Margaret Thatcher. En outre, dans le sud du Royaume-Uni (Sussex, Hampshire ou Dorset), le recul du Labour semble profiter davantage aux Libéraux-Démocrates qu'au Parti conservateur. Selon tous les analystes politiques, la véritable bataille des élections se jouera dans la Middle England, territoire auquel David Cameron consacre d'ailleurs l'essentiel de ses efforts.

Beaucoup d'observateurs craignent que le scrutin soit à l'image de celui de 1974 à l'issue duquel aucune réelle majorité ne s'était dégagée, un événement très inhabituel au Royaume-Uni où le système électoral avantage considérablement le parti arrivé en tête. "Je pense qu'un Parlement sans majorité claire est de moins en moins à exclure sauf si les Conservateurs parviennent à dépasser 40% des voix" souligne le professeur de science politique de l'université Hull, Simon Lee.

Ce scénario, banal dans de nombreuses démocraties européennes, s'avèrerait problématique au Royaume-Uni, pays où les partis politiques n'ont pas l'habitude de faire des compromis ou de travailler en coalition. Un tel scénario serait donc porteur d'un risque de paralysie du système. Le dernier Parlement sans majorité absolue date de février 1974 (gouvernement travailliste minoritaire). La situation avait conduit à l'organisation d'un nouveau scrutin législatif en octobre de la même année remporté par le Labour. Depuis 1978, aucun parti politique n'est parvenu à recueillir plus de 50% des suffrages.

Si les Conservateurs arrivaient en tête sans obtenir majorité absolue, ils seraient contraints de former une coalition avec les Libéraux-Démocrates. Cependant, ces derniers sont a priori beaucoup plus proches du Parti travailliste que des Tories, notamment sur les sujets comme la politique européenne, la fiscalité ou l'Etat providence. Les concessions que David Cameron serait amené à faire en cas de coalition avec les Libéraux-Démocrates pourraient mécontenter ses partisans.

La volatilité de l'électorat, qui s'accroît au fur et à mesure qu'approche le scrutin, est cependant un fait habituel. "Les Conservateurs sont probablement allés trop loin lorsqu'il a fallu recourir à un discours d'austérité" analyse le professeur de science politique de l'université du Sussex, Tim Bale. Ceux-ci ont en effet affirmé qu'ils feraient très rapidement de larges coupes dans les dépenses budgétaires s'ils arrivaient au pouvoir, avant de faire marche arrière devant les inquiétudes exprimées par les électeurs. En outre, le spectre d'un Parlement sans majorité absolue et dans lequel les Libéraux-Démocrates joueraient un rôle charnière pourrait au dernier moment effrayer les électeurs et les conduire à accorder in fine leurs suffrages au Parti conservateur.

Le Parti conservateur peut-il échouer ?

"J'ai toujours dit que ces élections allaient être serrées, qu'elles allaient être un vrai choix : travailliste ou conservateur, Gordon Brown ou moi. Et que ces élections allaient être un combat difficile pour notre parti" répète David Cameron. Le parti d'opposition est face à une difficulté majeure : il doit adapter son programme à la crise économique. C'est pourquoi David Cameron tente de convaincre les Britanniques que si la réduction de la dette constitue sa priorité, il ne sacrifiera pas pour autant l'Etat providence et préservera les garanties sociales des Britanniques. "Je pense que tout le monde dans ce pays sait que 5 années supplémentaires avec Gordon Brown seraient un désastre. Le gouvernement travailliste est enfermé dans une dangereuse danse de la mort qui tire l'ensemble de notre pays vers le bas" a-t-il déclaré ajoutant "Ce sont des élections que nous nous devons de gagner car notre pays est dans le désordre le plus total et qu'il est de notre devoir patriotique de le remettre en ordre et de lui offrir un avenir meilleur".

Le Parti conservateur, qui, en 2005, a recueilli en Angleterre davantage de suffrages que son rival travailliste, avait cependant vu une partie de ses électeurs (notamment les plus âgés) le quitter pour rejoindre les rangs des Libéraux-Démocrates (ou d'autres partis) et les 25-34 ans appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus aisées mais issus par exemple des minorités ethniques, se tourner vers les Travaillistes. Ce sont ces électeurs que David Cameron souhaite voir revenir vers les Tories pour que son parti, qui n'a jamais été aussi longtemps (13 ans) dans l'opposition depuis le XVIIIe siècle, retrouve le pouvoir. Pour ce faire, il a repositionné son parti sur des enjeux sur lesquels, jusqu'alors elle était relativement silencieuse, comme par exemple l'environnement, la protection de l'enfance, le soutien aux services publics, etc. David Cameron, plus pragmatique qu'idéologue, a compris que les électeurs ne choisiront le changement que s'ils sont assurés de ne pas perdre leurs avantages avec l'arrivée des Conservateurs à la tête de l'Etat. Exemple notable de ce positionnement : David Cameron a promis de se battre pour "ceux qu'on ignore, les jeunes, les vieux, les riches, les pauvres, les Noirs, les Blancs, les homosexuels et les hétérosexuels"

Mais la question essentielle à laquelle l'opposition se doit de répondre est la suivante : comment réduire les dépenses en préservant les services publics ? Les Tories ont beaucoup varié dans leurs déclarations pour ne pas susciter de doute parmi les électeurs, par exemple en annonçant une réduction d'impôt pour les couples mariés avant de revenir sur cette promesse. Ces incertitudes ont commencé à se faire jour à l'automne 2009. Elles se sont intensifiées et polarisées sur la personnalité de George Osborne, économiste orthodoxe en charge des Finances dans le shadow cabinet (cabinet fantôme). "George Osborne se voit reprocher son manque de connaissance des affaires et du monde de la City et sa capacité à gérer l'économie du pays est mise en doute" analyse le président de l'institut d'opinion YouGov, Peter Kellner. David Cameron a donc demandé à Kenneth Clarke, ancien ministre des Finances (1993-1997) de John Major et ministre du Commerce dans le shadow cabinet, d'être davantage présent dans la campagne électorale.

David Cameron possède un parcours personnel typique des classes supérieures britanniques. Formé à Eton, école privée de la haute société britannique, puis à l'université d'Oxford, la meilleure du royaume avec celle de Cambridge, l'actuel leader conservateur n'a cependant pas, à l'issue de ses études universitaires, rejoint la City de Londres à l'instar de la grande majorité de ses petits camarades mais le Parti conservateur où il a démarré sa carrière comme chercheur. En 2001, il est élu député dans la circonscription de Witney près d'Oxford (trois de ses ancêtres ont été députés conservateurs, au XIXe siècle et au début du XXe et le leader conservateur est un lointain descendant du roi Guillaume IV (1830-1837)) avant d'accéder à la tête des Tories en décembre 2005. David Cameron tente d'atténuer l'image de privilégié qui lui colle à la peau et de recentrer son parti. Il séduit d'ailleurs certains anciens électeurs de Tony Blair tout comme le patronat britannique qui a tourné le dos au Parti travailliste.

Alors que Margaret Thatcher ne connaissait que des individus, niant l'existence même d'une société britannique, David Cameron a popularisé tout au long de cette campagne électorale le terme de broken society (société en miettes). Il défend un "conservatisme compassionnel" (compassionate conservatism). Il se déclare libéral, estimant que la société doit permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même, mais se montre également sensible au sort des plus démunis qu'il veut aider à améliorer leur quotidien. Il veut convaincre que les Tories ne sont plus le parti des privilégiés et qu'ils se soucient également des plus modestes. "Il faut revenir à une société de responsabilité. L'objectif central de la nouvelle politique que nous souhaitons mettre en place doit être une redistribution massive, profonde et radicale des pouvoirs : de l'Etat vers le citoyen, du gouvernement vers le Parlement, des juges vers le peuple, de la bureaucratie vers la démocratie" a-t-il indiqué.

Les Conservateurs ont fait de la réduction de la dette publique et des déficits le centre de leur programme économique. Cependant, ils affirment qu'ils ne renoueront pas avec la politique de coupes dans les dépenses publiques menée par Margaret Thatcher. "Réduire les déficits n'est pas une alternative à la croissance économique, c'en est un aspect primordial. L'objectif principal que je me suis fixé est d'être aussi radical dans la réforme sociale que Margaret Thatcher l'a été pour la réforme économique" a souligné David Cameron qui tente de rassurer les électeurs et d'adoucir l'image des Tories en promettant de préserver les services publics.

Avec pour slogan "Un vote pour le changement", le Parti conservateur veut s'attaquer dès son arrivée au pouvoir à l'assainissement des finances publiques tandis que les Travaillistes considèrent plus sage d'attendre au moins une année que la reprise économique se consolide. "Il faudra réduire les dépenses publiques et ce sera douloureux. Il faudra s'attaquer à la culture d'irresponsabilité du Royaume-Uni et ce sera difficile pour de nombreuses personnes. Il faudra mettre à bas cette bureaucratie que le Labour nous a laissée" répète David Cameron. Pour remettre à flot les dépenses publiques, le Parti conservateur prévoit de geler pendant un an les salaires des fonctionnaires (à l'exception des personnes percevant un revenu inférieur à 18 000 £ – 11 960 €). 80% des fonctionnaires – 4 millions de personnes – seraient donc concernés, une mesure qui permettrait de réaliser 3,2 milliards £ d'économies. Les Conservateurs souhaitent réduire les frais de fonctionnement des administrations de 30% (les Tories jugent la bureaucratie britannique excessive) et limiter certaines aides sociales.

En cas de victoire le 6 mai prochain, David Cameron a indiqué qu'il ferait voter un plan d'urgence pour les finances dans les 50 jours qui suivront sa nomination. Il promet de réduire l'impôt sur les sociétés de 3 points (pour le faire passer à 25%). Cette baisse d'impôts serait financée par une refonte du système général et par l'élimination de certaines "failles" du dispositif fiscal actuel. Le 20 mars dernier, il a annoncé qu'il envisageait d'introduire une nouvelle taxe sur les banques "pour rembourser les contribuables de l'aide qu'ils ont apportée et pour les protéger à l'avenir". "Le Président Obama a dit qu'il rendrait aux contribuables chaque cent payé. Pourquoi cela devrait-il être différent ici ? La nouvelle taxe ne sera pas populaire partout dans la City mais je pense qu'elle est juste et nécessaire" a déclaré David Cameron. "La taxe sur les banques britanniques des Tories est une façon sûre d'encourager les banques à quitter le Royaume-Uni, ce qui augmentera les coûts pour les emprunteurs, endommagera la compétitivité du Royaume-Uni et coûtera des dizaines de milliers d'emplois dans le pays" lui a répondu l'actuel secrétaire d'Etat chargé du secteur financier, Paul Myners qui a ajouté "cette taxe ne peut qu'être internationale". Kenneth Clarke a affirmé que les Conservateurs devaient réfléchir à une éventuelle taxe de la TVA.

David Cameron a perdu quelques soutiens en ne condamnant pas la hausse du taux supérieur de l'impôt sur le revenu de 10 points mise en place le 1er avril dernier et l'instauration d'une surtaxe de 50% sur les bonus supérieurs à 25 000 £. Mais conscient qu'aucune élection ne se gagnait en proposant "du sang et des larmes", le Parti conservateur a quelque peu modifié son discours alors que l'écart entre les deux principaux partis se resserrait.

L'actuel Chancelier de l'échiquier (ministre des Finances), Alistair Darling, souligne que les promesses des Conservateurs ne sont financées qu'à hauteur de 11 milliards £/an alors que l'ensemble du coût du programme économique de l'opposition s'élève à 45 milliards £/an. George Osborne a répondu qu'outre le gel des salaires de la fonction publique, les Conservateurs ont prévu de réduire de 5% le salaire des membres du gouvernement, d'effectuer d'importantes coupes budgétaires et d'élever l'âge de la retraite. Celui-ci devrait passer, pour les hommes, de 65 à 66 ans en 2026 et, pour les femmes, de 60 à 66 ans en 2020. Les Tories souhaitent avancer cette mesure de 10 ans, ce qui leur permettrait d'économiser 13 milliards £. David Cameron s'est toutefois engagé à ne pas réduire les dépenses de santé. "Nous ne réduirons pas les dépenses du National Health Service. Le NHS est spécial et je promets une hausse réelle des dépenses chaque année" a-t-il affirmé. En 2007, soit avant la crise, le leader tory déclarait: "Ma priorité tient en trois lettres : NHS".

Au niveau des institutions, David Cameron a déclaré qu'il souhaiterait modifier la loi électorale de façon à instituer des législatures à durée fixe au Royaume-Uni, réduire les pouvoirs du Premier Ministre et permettre la diffusion des procédures parlementaires sur le site internet Youtube. Il veut également instaurer un droit d'initiative référendaire au niveau local et/ou national.

Depuis la première moitié du XIXe siècle, le leader de l'opposition forme un shadow cabinet qui se réunit tous les jeudis à la Chambre des Communes. Cette tradition permet aux éventuels futurs ministres de bien connaître leur domaine de responsabilité et de préparer leur programme d'action. Dans l'actuel shadow cabinet, George Osborne, qui, à 38 ans, est le plus proche collaborateur de David Cameron, occupe le portefeuille des Finances. Il a déjà élaboré le budget de crise qu'il compte faire voter 50 jours après son arrivée au pouvoir en cas de victoire du Parti conservateur. William Hague, leader des Tories entre 1997 et 2001, est en charge des Affaires étrangères : Kenneth Clarke, ancien ministre des Finances de John Major (1990-1997), favorable à l'euro, est ministre du Commerce ; Michael Gove, ancien journaliste de la BBC et du Times, est chargé de l'Education. Enfin, Francis Maude est secrétaire général.

Si la victoire du Parti conservateur est annoncée depuis plusieurs mois, David Cameron a cependant quelques raisons de s'inquiéter. Le leader des Tories sait qu'il doit en grande partie sa popularité à l'usure des Travaillistes. Certains, y compris au sein des Tories, doutent qu'il ait la carrure pour assurer les fonctions de Chef du gouvernement et diriger le Royaume-Uni. D'autres se montrent inquiets de la volonté de leur leader de réduire les déficits publics. Les Conservateurs les plus eurosceptiques, qui lui tiennent rigueur d'avoir abandonné l'idée d'un référendum sur le traité de Lisbonne depuis que celui-ci est entré en vigueur, déclarent être prêts à voter en faveur du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), eurosceptique. "La victoire des Tories s'est imposé un peu tôt" affirme le maire conservateur de Londres, Boris Johnson, qui ajoute "les électeurs ont besoin de suspense, ils s'arrangent pour en réintroduire là ou celui-ci n'existe pas". "La victoire n'est pas certaine, nous devons continuer à travailler jour et nuit pour y parvenir" répète David Cameron.

En mars dernier, la presse a révélé que le milliardaire Michael Aschcroft, 37e fortune du royaume, vice-président du Parti conservateur et membre de la chambre des Lords, ne payait pas d'impôts au Royaume-Uni. Lord Aschcroft, qui s'était pourtant engagé en 2000 juste avant d'être nommé à la Chambre des Lords, à revenir au Royaume Uni pour remplir toutes ses responsabilités, possède en effet le statut de non résident fiscal, ce qui l'exempte de payer des impôts sur le revenu, celui-ci venant de l'étranger, essentiellement de Belize. Ce privilège est normalement réservé aux citoyens ne possédant pas la nationalité britannique et résidant pour un temps au Royaume-Uni sans avoir l'intention d'y rester. Lord Aschroft est une personnalité importante du Parti conservateur dont il est l'un des plus généreux donateurs. Il est chargé de superviser la campagne électorale dans des dizaines de circonscriptions que les Tories doivent absolument conquérir pour remporter les élections. En cas de victoire des Tories, Michael Aschcroft a promis de devenir un contribuable britannique à part entière.

Ces révélations sur un haut dignitaire du Parti conservateur tombent très mal pour David Cameron qui a souvent affirmé son intention de nettoyer la vie politique et qui s'est présenté en champion de l'intégrité après le scandale des notes de frais du Parlement. Le leader conservateur s'est engagé à empêcher les personnes non domiciliées au Royaume-Uni de siéger au Parlement en cas de victoire de son parti.

Le Parti travailliste peut-il remporter le scrutin ?

"Le "vote pour le changement" ne nous fera pas progresser mais au contraire reculer. Car les Conservateurs prendront les mauvaises décisions au mauvais moment pour les mauvaises raisons et en faveur des mauvaises personnes" affirme le Premier ministre Gordon Brown, ajoutant "Le Parti travailliste peut et doit gagner les élections". Après 13 années à la tête du pays, le Labour, d'abord emmené par Tony Blair puis Gordon Brown, souffre de l'usure du pouvoir. Il a bien sûr pâti de la crise économique, de la guerre en Irak ou du scandale des notes de frais. La victoire semblait, il y a peu, impossible pour le parti au pouvoir qui s'était fixé pour seul objectif que la défaite soit la moins humiliante possible.

Gordon Brown n'a épargné ni son temps ni son énergie pour modifier son image d'homme rigide et distant. Le 15 février, il a donné une interview télévisée à la chaîne ITV1 dans laquelle il s'est dévoilé comme il ne l'avait jamais fait, évoquant la mort de sa fille d'une hémorragie du cerveau dix jours après sa naissance en 2002. Gordon Brown a affirmé qu'il n'avait jamais frappé quiconque après que l'éditorialiste Andrew Rawnsley l'a accusé dans un livre publié en février de rudoyer ses collaborateurs et d'être enclin à de violentes colères. Enfin, le Premier ministre s'est invité pour prendre le thé chez des électeurs. A cette occasion, il a devisé dans leur salon des problèmes qui les préoccupent. Gordon Brown, très différent de son prédécesseur Tony Blair, qui communiquait à la perfection avec les Britanniques, tente par tous les moyens de se donner une image de politicien proche des citoyens. En 1992, le Premier ministre conservateur de l'époque, John Major avait relancé une campagne électorale, très mal partie, en s'adressant directement aux électeurs sur une estrade dans les petites villes de province. A la surprise générale, il avait remporté les élections.

L'avenir des finances publiques mises à mal par la récession et les marges de manoeuvre dont disposera le futur gouvernement sont les grandes questions de cette campagne électorale. Lors de leur arrivée au pouvoir en 1997, les Travaillistes avaient fait une promesse aux Britanniques : celle de remettre à flot les services publics sans pour autant dégrader les comptes de l'Etat. La première partie du contrat a été respectée : les services publics fonctionnent mieux qu'il a 13 ans (2,3 millions d'emplois ont été créés dans la fonction publique entre 1997 et 2009) ; en revanche, la deuxième partie laisse à désirer. Gordon Brown se positionne cependant comme le seul capable de faire face aux défis économiques.

Alors que le déficit budgétaire atteint 12,6% du PIB, Gordon Brown veut continuer à augmenter les dépenses publiques. Il n'est pas question pour lui de les réduire avant 2011. "Le Labour sera le parti des investissements et les Tories celui des coupes budgétaires" a indiqué le Premier ministre. Qualifiant le programme conservateur de "mascarade", il a ajouté que les Conservateurs mettent en péril le retour de la croissance et font courir au Royaume-Uni un danger égal à celui qui menace la Grèce.

Alors que les Conservateurs se recentrent, le Premier ministre a tenté de relancer la lutte des classes dans la campagne électorale, affirmant par exemple que la politique fiscale de l'opposition a été "imaginée sur les terrains de jeux d'Eton". Gordon Brown a appelé à instaurer une taxe Tobin sur les transactions financières internationales et à taxer les bonus des traders. Ce repositionnement à gauche du Chef du gouvernement semble séduire certains électeurs. Par ailleurs, en faisant porter à la City la responsabilité du naufrage de l'économie britannique et en sanctionnant ses acteurs, Gordon Brown veut se dégager de toute responsabilité dans la crise.

"Nous allons à nouveau changer le monde" affirme Gordon Brown, répétant que David Cameron ne veut que le bonheur de certains privilégiés. Le Parti travailliste veut diviser par deux le déficit budgétaire d'ici 2014 et le ramener de 12,4% à 5% du PIB ; Gordon Brown souhaiterait voir cet objectif de réduction des déficits inscrit dans une loi.

La nature de la crise économique internationale a également convaincu le Premier ministre de briser un tabou du New Labour qui veut que l'on n'augmente pas les impôts des plus riches pour financer les plus pauvres. Les Travaillistes parlaient jusque là de soutenir les premiers pour faire mieux fonctionner l'économie, ce qui dégage des moyens en faveur des plus pauvres. "Il faudra augmenter les impôts des plus riches, réduire les coûts, faire des économies là où c'est possible" a déclaré Gordon Brown.

Le Labour veut taxer à hauteur de 50% les revenus supérieurs à 100 000 £ (110 000 €). La moitié des hausses d'impôts programmées sera payée par les 2% de Britanniques les plus riches, a indiqué le Chancelier de l'échiquier Alistair Darling qui a ajouté "il semble normal que ceux qui ont les épaules les plus larges portent le fardeau le plus lourd". Il a également annoncé le gel des salaires publics des 750 000 fonctionnaires les mieux payés (juges, médecins, managers des services de santé public, etc.). Il affirme que les économies générées par cette mesure permettront de faire tourner 4 nouvelles écoles ou 10 nouveaux centres médicaux chaque année ou de verser le salaire de 3 200 infirmières ou 2 200 professeurs.

Pour remporter le scrutin, Gordon Brown ne peut compter que sur un retournement de la conjoncture économique qu'annonceraient les statistiques de croissance qui doivent être publiées le 28 avril, en pleine campagne électorale. Le Premier ministre a pris 5 engagements : réduire de moitié le déficit budgétaire, relancer l'économie, protéger les services publics, créer un million d'emplois qualifiés et bâtir une économie fondée sur les nouvelles technologies. Le 24 mars dernier, Alistair Darling a présenté le budget de l'Etat pour l'année 2010-2011. Le gouvernement a choisi de s'attaquer aux déficits publics lorsque la croissance sera revenue dans le pays. "Une politique de réduction immédiate des dépenses de l'Etat serait erronée et dangereuse et risquerait de faire dérailler la reprise" a rappelé Alistair Darling qui prévoit que le prochain budget, qui devra permettre une économie de 11 milliards £, sera "le plus drastique depuis des décennies". Les prévisions de croissance du PIB restent, pour l'instant, inchangées à 1,2% pour 2010, 3,3% pour 2011 et 3,5% en 2012.

Le budget 2010-2011 maintient le plan d'aide à l'emploi des jeunes chômeurs. Il prévoit une aide de 2,5 milliards £ (2,8 milliards €) pour les petites et moyennes entreprises, la création d'une banque verte dotée d'un capital de 2 milliards £ (une moitié venant du privé, l'autre issue de la vente d'actifs publics) pour financer des projets innovants dans les domaines des transports et de l'énergie. Le nouveau budget double le seuil à partir duquel les personnes réalisant une transaction immobilière doivent s'acquitter des droits de timbre (250 000 £, soit 280 000 €), augmente l'impôt sur l'achat d'un bien de plus d'un million £ et gèle pour les 4 prochaines années le seuil au-delà duquel les droits de succession sont exigibles. Par ailleurs, les retraités qui perçoivent plus de 130 000 £ par an voient leurs avantages fiscaux réduits et les contribuables gagnant plus de 100 000 £ annuelles (soit les 2% les plus riches) perdent leurs abattements fiscaux. Alistair Darling a indiqué que la taxe sur les bonus avait rapporté deux milliards £ (2,2 milliards €).

Enfin, le ministre des Finances a annoncé que le déficit public de 2010 serait moins élevé que prévu à 167 milliards £ (185,8 milliards €), 11,87% du PIB, soit -0,8 point, grâce notamment aux rentrées fiscales et à la baisse du chômage. "Le discours du Chancelier de l'échiquier a été jugé politiquement habile. Il ne s'est pas engagé à réaliser certaines dépenses mais il a révélé que les finances publiques étaient en meilleur état que ce que l'on pensait il y a encore quelques semaines. Cela lui donne une plus grande marge de manœuvre" analyse le professeur de la London School of Economics, Ian Begg.

Par ailleurs, le 17 mars, l'Office des statistiques nationales a indiqué que le nombre de personnes bénéficiant de l'allocation chômage avait baissé (- 32 300) en février, soit le recul le plus important depuis novembre 1997. "Chose cruciale pour le Labour, le nombre de personnes recherchant un emploi est légèrement au-dessous de celui de mai 1997 lorsque les Travaillistes sont arrivés au pouvoir" souligne l'économiste Michael Saunders.

Le 9 février, le Parlement a adopté – par 365 voix contre 187 – l'organisation d'un référendum sur un changement du mode de scrutin en vigueur aux élections législatives. Selon le système envisagé appelé alternative vote, les électeurs pourront classer les candidats auxquels ils souhaitent accorder leurs suffrages par ordre de préférence. La consultation populaire sur cette réforme électorale devrait se tenir en octobre 2011. David Cameron a qualifié ce vote de "combine" et de "tentative cynique pour sauver sa peau de la part de Gordon Brown". Des responsables politiques ont fait remarquer que Gordon Brown avait toujours été un partisan du système actuel, tout au moins tant que celui-ci lui était favorable. Les Conservateurs se sont également élevés contre un référendum qui, selon eux, coûterait 80 millions £, une dépense injustifiable en période de grave crise économique.

Aux yeux des analystes politiques, cette loi est un geste clair en direction des Libéraux-Démocrates, éternels victimes du système bipartite britannique. Cette réforme électorale, si elle était adoptée, constituerait une véritable révolution au Royaume-Uni où la formation d'une coalition électorale est une chose exceptionnelle et où la concentration du pouvoir dans les mains d'un seul parti règle la vie politique depuis des siècles.

Les Travaillistes ont également exprimé leur désir d'abolir la Chambre des Lords et de la remplacer par une Chambre élue, autre mesure qui révolutionnerait le système britannique et qui mettrait fin à des siècles de tradition. "Je pense que l'heure est venue de faire de cette Chambre une Chambre élue, seule façon de rendre légitime une assemblée législative" a déclaré Andrew Adonis, secrétaire aux Transports.

Les Libéraux-Démocrates décideront-ils du scrutin ?

En dépit de leur appellation, les Libéraux-Démocrates sont plus proches des Travaillistes que des Conservateurs. Ils sont en effet favorables à l'Etat providence et opposés aux baisses d'impôts. Les différences entre les Libéraux-Démocrates et les Travaillistes sont cependant notables en matière de politique étrangère. Parti le plus pro-européen du royaume, le 3e parti a été le seul à s'opposer à l'intervention en Irak et à l'envoi de renforts en Afghanistan. Les enquêtes d'opinion montrent toutefois que la politique étrangère reste un thème mineur au moment du vote.

Le parti a mis en avant 4 points non négociables de son programme dans le cas éventuel où il serait appelé à rejoindre l'un des deux"grands" partis au gouvernement : une aide à la scolarité des plus pauvres, une augmentation à 10 000 £ du seuil de revenu annuel à partir duquel on paie un impôt, une réforme de la City par la séparation des banques d'investissement et de réseaux et la création d'une taxe de 10% sur les banques pour financer le retour à l'emploi des victimes de la récession et, enfin, une réforme du Parlement.

Au cours de l'histoire, les Libéraux-Démocrates ont accédé deux fois au gouvernement : dans les années 1930 avec le Parti conservateur et de 1974 à 1979 avec le Parti travailliste. Leur leader Nick Clegg, particulièrement sévère avec les 13 années de gouvernement travailliste, refuse de dire auquel des deux "grands" partis va sa préférence tout en affirmant que celui qui recueillera le plus grand nombre de sièges disposera d'un mandat moral pour diriger le pays. Les Libéraux-Démocrates, qui souhaitent l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin, pourraient cependant être séduits par la proposition des Travaillistes d'organiser un référendum sur une modification du mode de scrutin.

"Contrairement au scrutin précédent, les Libéraux-Démocrates comptent dans leurs rangs des hommes de premier plan qui pourraient très légitimement prétendre à des postes importants dans un gouvernement de coalition, notamment Vincent Cable, qui est en charge des affaires économiques" analyse le professeur de science politique de la London School of Economics, Patrick Dunleavy. "Je ne suis pas un faiseur de rois, les faiseurs de rois sont les 45 millions d'électeurs britanniques" aime à répéter Nick Clegg.

Les électeurs britanniques qui, à un mois du scrutin, semblent très divisés, se décideront peut-être devant le petit écran. En effet, le scrutin du 6 mai sera l'occasion d'une première dans le royaume, à savoir l'organisation de débats télévisés entre les chefs des 3 principaux partis politiques et donc les candidats au poste de chef du gouvernement. Les enquêtes d'opinion montrent d'ores et déjà que les électeurs décident de plus en plus souvent de leur vote en fonction de la personnalité du candidat au poste de Premier ministre. Si les Français ou les Américains – et depuis peu les Allemands – sont familiers de ce genre d'exercice, les Britanniques, qui jusqu'alors choisissaient davantage un parti qu'un homme, n'en ont jamais fait l'expérience.

David Cameron y est très favorable, persuadé, à tort ou à raison, de sa supériorité sur son adversaire Gordon Brown dans ce domaine. Les leaders des 3 principaux partis débattront en direct à 3 reprises sur ITV, Sky TV et la BBC. Alistair Stewart d'ITV, Adam Boulton de Sky News et David Dimbleby, l'animateur de Question Time, seront les journalistes qui officieront lors de ces débats. Les échanges dureront 90 minutes et auront lieu devant un public choisi. "Ces débats changent considérablement la nature de la campagne électorale dans le sens ou ils devraient en constituer le point d'orgue" souligne le professeur de l'université de Strathclyde, John Curtice.

Le premier débat télévisé a rassemblé le 29 mars sur Channel 4 le Chancelier de l'échiquier Alistair Darling, son homologue dans le shadow cabinet, George Osborne, et le porte-parole pour les affaires économiques des Libéraux-Démocrates, Vince Cable. Il a été l'occasion d'une passe d'armes entre le Conservateur et le Travailliste, qui a annoncé qu'il serait reconduit à son poste en cas de victoire du Labour. Les journalistes ont cependant noté que le Libéral-Démocrate, qui affirme avoir été le premier à anticiper le crash du marché immobilier et la crise du crédit bancaire, avait été le plus applaudi. Aucun des 3 hommes n'a cependant expliqué clairement comment il procéderait pour mener à bien la réduction des dépenses publiques, mesure sur laquelle ils se sont tous accordés.

Alors qu'une victoire du Labour semblait, jusqu'à il y a encore quelques semaines, absolument impossible, l'écart entre les deux principaux partis britanniques s'est nettement resserré à un mois du scrutin. Depuis le 17 février, aucune enquête d'opinion n'a accordé la majorité absolue au parti de David Cameron. Si les électeurs semblent peu enclins à voir les Travaillistes continuer à gouverner, on ne décèle pas pour autant de réel appétit pour les Conservateurs. Ainsi, un sondage publié le 30 mars révélait un renversement de tendance en montrant que les Britanniques faisaient désormais davantage confiance aux Travaillistes qu'aux Conservateurs pour gérer l'économie du pays : 33% des personnes interrogées déclarent que Gordon Brown dispose des meilleures capacités pour améliorer la situation économique du pays, 27% citent David Cameron et 13% Nick Clegg. La première fois où cette question avait été posée (10 décembre 2009), le Conservateur avait recueilli 33% des réponses et le Travailliste, 26%.

"Les électeurs n'ont pas été du tout sensibles aux dernières affaires de Westminster comme le fait par exemple que le conservateur Lord Michael Aschroft ne paie pas ses impôts au Royaume-Uni. La seule chose qui compte en ce moment, c'est l'économie et la question de savoir qui sera le plus à même de sortir le pays de la crise" affirme Joe Twyman, directeur des sondages politiques à l'institut YouGov. Les Conservateurs vont tenter de convaincre les Britanniques que 5 ans supplémentaires de gouvernement travailliste serait une catastrophe. "L'économie est enlisée, la société est enlisée, tout le pays est enlisé avec Gordon Brown. Et c'est de changement que nous avons besoin... pour faire bouger notre économie, notre pays, notre société" a déclaré David Cameron le 27 mars. Les Travaillistes vont tenter de convaincre la population des dangers que les Conservateurs feraient courir au pays s'ils arrivaient au pouvoir.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Angus Reid et publiée par le Sunday Times le 4 avril crédite le Parti conservateur de 38% d'intentions de vote pour 27% au Parti travailliste et 20% aux Libéraux-Démocrates. Un sondage réalisé par l'institut YouGov indique que les Tories devraient recueillir 39% des suffrages pour 29% pour le Labour et 20% pour les Libéraux-Démocrates. Le défi auquel est confronté David Cameron reste donc moins important que celui auquel doit faire face Gordon Brown le 6 mai prochain.

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Résultats des élections législatives du 5 mai 2005 au Royaume-Uni

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Participation : 61,3%

Source : Chambre des Communes du Parlement britannique

Elections législatives au Royaume-Uni 2010

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