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Mathilde Goanec
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Viktor Ianoukovitch a remporté le 2e tour de l'élection présidentielle ukrainienne organisée le 7 février dernier. D'après les résultats définitifs de la Commission centrale électorale de l'Ukraine, Viktor Ianoukovitch, leader du Parti des Régions, a emporté le scrutin avec 48,95 des suffrages exprimés par les 25 493 529 votants, contre 45,47% des suffrages pour Ioulia Timochenko.
Les Ukrainiens se sont massivement déplacés au regard du désintérêt qu'ils semblaient porter à cette campagne, le taux de participation s'élevant à près de 70 %. Un peu plus de 4 % des électeurs ont voté "contre tous les candidats", une possibilité offerte par la loi ukrainienne.
Selon le rapport de l'OSCE, les élections sont conformes aux standards européens, "bien plus démocratiques que dans bien des pays de l'ex-URSS".
Les deux semaines précédant le 2e tour du scrutin, une sorte d'hystérie semblait pourtant s'être emparé des états-majors des deux candidats. Les accusations de fraudes de part et d'autre ont fusé, chaque camp accusant l'autre de vouloir saboter les élections. Tout a commencé par le limogeage du ministre de l'Intérieur, voté quinze jours avant le scrutin par les députés, l'enjeu étant de déstabiliser la Première ministre Ioulia Timochenko. Viktor Ianoukovitch a réussi à constituer une coalition de circonstance au Parlement, s'attachant les voix de députés issus de "Notre Ukraine", parti du président sortant Viktor Iouchtchenko, éliminé dès le 1er tour.
Le camp de Viktor Ianoukovitch a récidivé au Parlement cinq jours avant le vote, en faisant voter un amendement de dernière minute à la loi électorale. Selon ce texte, le quorum des deux-tiers et la parité des deux camps dans les commissions électorales locales ne sont désormais plus nécessaires dans la loi pour valider les résultats. Cette décision, "qui n'a pas influencé les résultats", selon Heidi Tagliavini, chef de la mission d'observation de l'OSCE en Ukraine, a été malgré tout critiquée par la communauté internationale. Sans véritablement faire peur à Ianoukovitch, dont l'un des bras droits déclarait être prêt "à changer la loi cinq minutes avant le scrutin s'il le fallait...". Malgré ces arrangements douteux avec le cadre législatif, les observateurs ont estimé que le vote s'est déroulé dans le calme et sans irrégularités majeures. Une déclaration qui n'a pas fait l'affaire d'Ioulia Timochenko, déterminée à contester les résultats. D'où cette mise en garde à peine voilée des observateurs devant un acharnement possible de la Première ministre "Les scénarios pessimistes que nous entendions ces derniers jours ne se sont pas réalisés, a déclaré Assem Agov. Les élites politiques doivent accepter ce résultat et mettre en œuvre la transition pacifique du pouvoir".
Le 7 février au soir, Viktor Ianoukovitch a eu le triomphe modeste. Accusé il y a cinq ans de fraudes électorales, caricaturé en pantin du Kremlin par ses opposants, le chef du Parti des régions a préféré jouer cette fois-ci la carte du rassemblement : "Cette victoire est le premier pas vers l'unification du pays et vers la stabilité, a-t-il lancé. Je prendrais en considération les électeurs d'Ioulia Timochenko et ceux des candidats qui n'ont pas passé le 2e tour. Je ne veux pas chercher des ennemis, mais au contraire lutter contre les vrais dangers qui menacent notre pays, la pauvreté et la corruption".
Unité et stabilité, des mots clés pour un pays qui, au vu des chiffres, reste divisé sur ses aspirations politiques. La carte électorale, très tranchée entre rouge et bleue, est la preuve de cette polarisation : Viktor Ianoukovitch l'emporte, haut la main, à l'est et au sud de l'Ukraine, avec des pics de popularité dans les régions de Donetsk (90,4%), Lougansk (88,8%), ou encore au sein de la République autonome de Crimée (78,3%). Ioulia Timochenko fait le plein à l'ouest et au centre, avec, par exemple, 86,2% des voix à Lviv ou 88,8% à Ivano-Frankivsk. Comme à son habitude, la région de Kiev a voté à contre courant du résultat national, donnant 69,7% à Ioulia Timochenko contre 23,6 % à Viktor Ianoukovitch. Fait étonnant, le vote "contre tous" connaît son plus haut score à Kiev (8%) où les habitants ont, semble-il, été sensibles à une campagne lancée dans l'entre deux tours par quelques personnalités influentes du monde médiatique et souvent issus de la Révolution orange de 2004, appelant à voter contre les deux candidats en lice.
Avec un écart au final très serré (3,5% des voix), la partie est loin d'être jouée pour le futur président. D'autant plus que Viktor Ianoukovitch va devoir composer avec Ioulia Timochenko toujours en poste comme chef du gouvernement. Si des députés peuvent occasionnellement faire basculer une majorité, la Constitution ukrainienne oblige, pour former une nouvelle coalition, d'obtenir l'accord de la majorité d'une fraction politique. Formellement, Viktor Ianoukovitch et son Parti des régions ne sont pas majoritaires au Parlement, issu des élections législatives de 2007 et remportées par Ioulia Timochenko. Il va donc être difficile pour le nouveau président d'obtenir un vote de défiance vis-à-vis de la Première ministre. Viktor Ianoukovitch prendrait également de gros risques à provoquer de nouvelles élections législatives, menacé par la création récente de jeunes formations politiques issues du 1er tour. Ioulia Timochenko peut donc négocier en coulisses un maintien à son poste de Premier ministre ou, au contraire, décider de démissionner, et se présenter comme leader d'une nouvelle opposition, forte des onze millions de voix glanées au 2e tour. "Dans tous les cas, il ne faut pas attendre de cette élection présidentielle qu'elle ramène la stabilité politique en Ukraine", résume Nico Lange, directeur du bureau de la fondation Konrad-Adenauer en Ukraine.
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