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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 28 juin prochain, les Albanais sont appelés à renouveler les 140 membres de leur Parlement. 34 partis politiques sont officiellement candidats à ce scrutin qui verra surtout l'affrontement de deux hommes : le Premier ministre sortant Sali Berisha, chef du parti démocratique (PDSH) et figure centrale de la politique albanaise depuis la chute du communisme dans le pays en avril 1991, et Edi Rama, maire de Tirana et leader du Parti socialiste (PSSH).
Le Président albanais, Bamir Topi a appelé, le 19 avril dernier, ses compatriotes à se rendre nombreux aux urnes le 28 juin prochain.
Le système politique albanais
Le Parlement albanais est monocaméral. Son unique Chambre, l'Assemblée de la République d'Albanie, compte 140 membres, élus tous les 4 ans, au scrutin proportionnel régional. Selon la Constitution de 1998, un seuil minimal de 3% des suffrages exprimés (pour un parti) et de 5% (pour une coalition de partis) est indispensable pour être représenté au Parlement.
Le Parlement a adopté en décembre 2008 (par 116 voix pour et 3 contre) un nouveau code électoral. Celui-ci accentue la bipolarité du système politique, raison pour laquelle les "petits" partis se sont opposés à cette nouvelle loi. Plusieurs députés ont poursuivi, en vain, dix jours durant une grève de la faim pour la voir modifier. De leur côté, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Commission de Venise (Conseil de l'Europe) ont déclaré que le nouveau code électoral constituait "une bonne base juridique pour la tenue d'élections libres et démocratiques".
La nouvelle loi stipule que chaque électeur non muni d'un passeport doit se voir attribué une carte d'électeur qu'il devra présenter au bureau de vote avant le scrutin du 28 juin. Cette mesure a pour but de lutter contre la fraude électorale (de faux certificats de naissance ayant été utilisés dans le passé), toutes les élections qui se sont tenues depuis la chute du communisme ont fait l'objet de contestations. "Nous avons nettoyé les registres électoraux" a indiqué Sali Berisha, précisant "la carte d'électeur est très précieuse pour les Albanais qu'elle rend tous égaux. Environ 13 000 personnes la demandent chaque jour et aucun Albanais désireux de voter ne sera privé de ce document".
A ce jour, 1 230 000 cartes ont été distribuées. Une polémique a éclaté autour de l'établissement de ce papier d'identité. Les forces de l'opposition, qui accusaient le gouvernement de tarder dans la distribution des cartes, avaient demandé à ce que ces dernières soient établies gratuitement pour tous, accusant le Premier ministre Sali Berisha de délivrer gratuitement ces documents à seulement certains pans de l'électorat, une opération démagogique lui permettant de se poser en défenseur des Albanais les plus défavorisés et qui pourrait également être à l'origine de futures fraudes. Le Chef du gouvernement a refusé la gratuité et proposé 10 € comme prix du document (2 € pour certaines catégories sociales comme les étudiants, les retraités ou les chômeurs). Finalement, pouvoir et opposition sont parvenus à un accord sur le sujet le 28 avril dernier ; les cartes d'identité sont désormais délivrées contre 200 leks (1,4 €).
Pour le Président Bamir Topi, "les Albanais doivent posséder une carte d'identité non seulement pour pouvoir voter mais aussi parce que chacun d'entre eux doit pouvoir circuler librement en Europe, ce qui est impossible sans papier d'identité".
Pour les élections législatives, l'Albanie est désormais divisée en 12 régions.
12 partis politiques, répartis en 9 groupes parlementaires, sont représentés au Parlement http://www.parlament.al/ :
- le Parti démocratique (PDSH), du Premier ministre Sali Berisha, possède 49 sièges ;
- le Parti socialiste (PSSH), dirigé par Edi Rama, compte 38 députés ;
- le Parti républicain (PRS) dirigé par Fatmir Mediu compte 11 députés ;
- le Parti social-démocrate (PSDS) de Skënder Gjinushi possède 7 sièges ;
- le Mouvement socialiste pour l'intégration (LSPI) dirigé par Ilir Meta compte 7 députés ;
- le Nouveau Parti démocratique (PDR) de Genc Pollo possède 7 sièges ;
- le Parti agraire environnementaliste (PAA) de Lufter Xhuveli possède 7 sièges ;
- le Parti de l'alliance démocratique (PADS), dirigée par Neritan Ceka, le Parti chrétien-démocrate (PDS) dirigé par Nard Ndoka ; le Parti de la social-démocratie (PDSS) de Paskal Milo; le Parti pour l'union pour les droits de l'homme (PBDN), dirigé par Vangjel Dule et représentant la minorité grecque du pays et membre de tous les gouvernements depuis 1991, compte 7 sièges,
- et le Front national (PBKS) de Shpëtim Rroqi possède 7 sièges ;
Le Parti pour l'union pour les droits de l'homme (PBDN), membre de la coalition gouvernementale dirigée par Sali Berisha, a rejoint les rangs de l'opposition qu'elle avait quittée en 2005. Une décision qui a créé des tensions au sein du parti, certains membres acceptant mal cette nouvelle orientation. En conséquence de cette décision, Anastas Duro (PBDN), ministre du Travail du gouvernement de Sali Berisha, a démissionné le 14 mai.
Les enjeux des élections législatives
En janvier dernier, le Premier ministre Sali Berisha assurait que la tenue d'élections libres et justes constituait le principal objectif de son gouvernement. "Même si je suis déterminé à accepter et à respecter le verdict électoral, j'ai le plaisir de vous informer que nous allons gagner les élections législatives parce que les Albanais sont des gens sages, ils savent qu'en se prononçant pour la gauche, ils voteraient en faveur du crime organisé et de la corruption" a t-il affirmé lors du congrès du Parti populaire européen (PPE) qui s'est tenu à Varsovie le 30 avril dernier.
Sali Berisha, leader du mouvement qui fit chuter le régime communiste établi par Enver Hoxha en avril 1991, occupe une place centrale sur la scène politique. Elu Président de la République en 1992 après la victoire de son parti aux premières élections législatives libres du pays, Sali Berisha a gouverné l'Albanie d'une main de fer. En 1997, il est chassé du pouvoir à la suite des émeutes qui éclatent après l'effondrement du système dit des pyramides financières. Encouragées par Sali Berisha, environ 70% des familles albanaises avaient placé leurs économies dans ce système qui offrait des placements à des taux d'intérêt atteignant 100%. Les émeutes de 1997, qui ont entraîné le pays à une quasi-situation de guerre civile, avaient fait 2 000 morts.
Pour ces nouvelles élections législatives, Sali Berisha met en avant son bilan à la tête du gouvernement depuis 2005. Si le pays connaît toujours de grandes difficultés, la croissance du PIB a atteint 6% en 2008 (7% en moyenne des 10 dernières années). La Banque mondiale indique, dans son dernier rapport publié le 23 avril dernier, que 10 000 Albanais sont sortis de la pauvreté ces dernières années. 12,4% d'entre eux vivent cependant toujours avec moins de 2 $ par jour. Ils étaient 18,5% en 2005 et 25,4% en 2002 sur une population de 3,3 millions d'habitants.
La crise économique n'a bien sûr pas épargné l'Albanie. La croissance du PIB devrait ainsi être négative cette année selon le FMI (- 0,4%). En outre, les transferts de fonds envoyés par les émigrés sont en nette baisse. Le gouvernement de Sali Berisha a annoncé son intention d'augmenter les salaires et les pensions de retraite avant les élections législatives du 28 juin prochain. Le Premier ministre, qui met en avant le rôle constructif joué par son pays dans le retour de la paix dans les Balkans, tente également de retenir les investisseurs financiers que la crise économique rend frileux et n'hésite jamais à rappeler que l'Albanie est le pays d'Europe dont la fiscalité est la plus faible d'Europe.
Sali Berisha est la tête de liste du parti démocrate dans la circonscription de Tirana pour les élections législatives.
Le Parti socialiste, le Parti social-démocrate, le Parti de la social-démocratie (PDS) et le Groupe 99 (G 99) ont formé, le 13 mai dernier, la Nouvelle Union pour le changement en vue du scrutin. Le Groupe 99 est une formation créée par de jeunes Albanais en février dernier, Erion Veliaj en est le leader. "Notre génération a grandi durant la transition du communisme et est entrée en politique à cette époque. Nous pensons que nous sommes capables de porter le changement dans la bataille électorale" affirme t-il.
Le président du Parti socialiste Edi Rama, qui a qualifié les prochaines élections législatives "d'historiques", se présente sur un programme de changement. Il s'appuie sur son bilan à la tête de la mairie de Tirana, ville qu'il a assainie et transformée. Le leader socialiste accuse régulièrement le Premier ministre Sali Berisha d'être l'incarnation de la corruption en Albanie. Edi Rama n'a pas démissionné de la mairie et n'est donc pas candidat en tant que député !
Comme en 2005, le Parti socialiste est handicapé par la concurrence exercée sur sa gauche par le Mouvement socialiste pour l'intégration. Lors des dernières élections législatives du 3 juillet 2005, le Parti socialiste avait perdu ses fiefs de Tirana et de Dürres où les électeurs s'étaient laissés séduire par le parti d'Ilir Meta. "Ceux qui votent pour Ilir Meta votent pour Sali Berisha" avait à l'époque prévenu le leader socialiste Fatos Nano mais le MSI était néanmoins parvenu à mordre sur l'électorat traditionnel des socialistes. Edi Rama doit donc mener une double campagne : il doit lutter contre le Parti démocrate du Premier ministre sortant mais aussi se garder sur sa gauche du Mouvement socialiste pour l'intégration.
Le 28 avril dernier, Sali Berisha a déposé la demande officielle de candidature de son pays à l'Union européenne. "C'est un rêve devenu réalité" a souligné le Premier ministre. Cette demande intervient après la ratification par les 27 Etats membres de l'Union de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA) signé par Tirana et Bruxelles en juin 2006, entré en vigueur le 1er avril 2008 et considéré comme la première étape du processus de rapprochement de l'Albanie et de l'Union. Le Monténégro a déposé sa demande le 15 décembre 2008. L'Albanie est également devenue le 28e membre de l'OTAN le 4 avril 2009, jour du 60e anniversaire de l'organisation atlantique.
"Il appartient maintenant à l'Albanie de démontrer sa capacité à passer à l'étape suivante de l'intégration européenne, en particulier en améliorant l'Etat de droit. Le caractère transparent, libre et démocratique des élections législatives du 28 juin prochain reste aussi une condition essentielle tout comme la mise en œuvre de l'ensemble des engagements souscrits au titre de l'Accord de stabilisation et d'association" a déclaré Michael Leigh, directeur général chargé de l'Elargissement à la Commission européenne. En novembre 2009, l'Union avait indiqué que l'Albanie avait encore de gros progrès à faire en matière de consolidation de son administration publique et de son système judiciaire ainsi que dans la lutte contre la pègre et la corruption pour remplir les critères européens.
Des ambassadeurs européens et celui des Etats-Unis ont rencontré les leaders des deux principaux partis politiques du pays, Edi Rama et Sali Berisha Ce dernier les a assurés de la transparence et du caractère démocratique des prochaines élections législatives. "L'Union européenne surveillera avec attention le déroulement des élections législatives en Albanie qui sont vitales pour le pays" a déclaré Tomas Pojar, ministre des Affaires étrangères de la République tchèque. "J'espère vivement que la classe politique ainsi que toute l'administration albanaises travailleront à ce que ces élections législatives soient les plus démocratiques jamais organisées dans le pays de façon à ce que l'Albanie puisse vraiment par la suite faire un grand pas en avant" a indiqué le responsable de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Tirana http://www.osce.org/documents/odihr/2009/05/37843_en.pdf. "L'Albanie est un élément important pour l'avenir que nous voulons construire en Europe du Sud-Est" a souligné l'ambassadeur des Etats-Unis à Tirana, Frank Wisner. Le vice-président de la Commission européenne en charge de l'espace de liberté, sécurité et justice, Jacques Barrot, s'est également rendu en Albanie les 1er et 2 mai pour se rendre compte des progrès réalisés en matière de lutte contre la criminalité et la corruption.
439 observateurs de l'OSCE surveilleront les élections législatives albanaises.
A un mois du scrutin, les questions économiques et sociales, notamment la pauvreté et le chômage, figurent au cœur des préoccupations des Albanais. Interrogés à ce sujet, les deux tiers d'entre eux citent le chômage en première position (66%), 39% les questions économiques, 29% l'inflation et un quart la corruption du gouvernement (25%). Pour la moitié des Albanais (51%), leur pays est sur une bonne voie. Près de quatre répondants sur dix (37%) expriment une opinion opposée.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Zogby, les deux principaux partis sont au coude à coude à un mois du scrutin. Le Parti socialiste recueillerait 38% des intentions de vote pour 37% au Parti démocrate. Le Mouvement socialiste pour l'intégration obtiendrait 6%, le Groupe 99 2%, le Parti républicain 1% et le Parti pour l'union pour les droits de l'homme 1%. Pour la moitié des Albanais (51%), leur pays est sur une bonne voie. Près de quatre répondants sur dix (37%) expriment une opinion opposée.
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