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Dix-sept Jours avant le réferendum français, le bundestag allemand ratifie la constitution europeenne

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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12 mai 2005
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

A dix-sept jours de la tenue du référendum français, les six cent trois membres du Bundestag, Chambre basse du Parlement allemand, ont ratifié jeudi 12 mai le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Cinq cent soixante-neuf parlementaires ont voté en faveur du texte, contre vingt-trois –membres du Parti du socialisme démocratique (PDS) et de l'Union chrétienne sociale (CSU)- qui se sont prononcés contre sa ratification et deux qui se sont abstenus.

La procédure de ratification et la position des différentes formations politiques

Selon l'article 23 de la Loi fondamentale allemande, les traités internationaux doivent être approuvés par les deux Chambres du Parlement, le Bundestag et le Bundesrat, qui doivent les ratifier à la majorité des deux tiers de leurs membres dans le cas où le traité entraîne, comme pour la Constitution européenne, un transfert de compétences.

La Loi fondamentale ne prévoit pas l'organisation de référendum sur des questions autres que celles traitant de la démarcation territoriale des Länder. Une modification de la Loi fondamentale aurait donc été indispensable pour que la ratification de la Constitution européenne soit soumise à référendum.

Une proposition faite par le Parti libéral-démocrate (FDP) de modification de l'article 23 de la Loi fondamentale en vue de rendre possible l'organisation d'un référendum avait été rejetée par le Bundestag le 6 novembre 2003. Le 5 octobre 2004, les deux formations de la coalition gouvernementale, le Parti social-démocrate (SPD) et les Verts, avaient présenté un nouveau projet de modification de la Loi fondamentale visant à permettre l'organisation de référendums à l'initiative du gouvernement ou du Bundestag. Les Verts et certains membres du Parti libéral-démocrate (FDP) réclamaient un référendum par exigence démocratique, d'autres formations, comme l'Union chrétienne-sociale (CSU), branche bavaroise de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), ou encore le Parti du socialisme démocratique (PDS) y étaient opposées.

Le 3 novembre dernier, le gouvernement du chancelier Gerhard Schröder (SPD) arrêtait le projet de loi d'approbation du traité établissant une Constitution pour l'Europe et lançait la procédure de ratification parlementaire du texte.

En avril, le député bavarois Peter Gauweiler (CSU) a déposé une plainte devant le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe pour empêcher la ratification de la Constitution européenne par le Bundestag et exigeant la tenue d'un référendum sur le traité. La Cour a rejeté cette plainte, estimant que la ratification parlementaire ne violait aucune loi constitutionnelle.

La grande majorité des formations politiques allemandes sont favorables à la Constitution européenne. Quelques jours avant le vote du Bundestag, le chancelier Gerhard Schröder (SPD) affirmait que « l'approbation du texte par le Bundestag constituerait un pas significatif pour l'avenir du continent ». Dans son discours au Bundestag le 12 mai, il a souligné que si le texte était imparfait, il était historique. « Il faut s'obliger à un usage restreint, raisonnable du mot historique. Mais la Constitution de l'Union européenne sur laquelle il nous faut nous prononcer aujourd'hui mérite cette noble qualification » a-t-il déclaré qui a rendu un hommage appuyé aux dirigeants français qui ont contribué à la construction européenne, Robert Schuman, Jean Monnet, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, et Jacques Chirac. Gerhard Schröder a également souligné que le texte devait être adopté par respect et par considération envers la génération âgée des Allemands, « témoins et victimes » du nazisme et de la deuxième guerre mondiale. « C'est une oeuvre humaine. Bien sûr, elle ne comble pas tous les espoirs et ne dissipe pas toutes les craintes. Le texte de la Constitution est un compromis très bon et équitable » a t-il ajouté. De son côté, le président du SPD, Franz Müntefering, a mis en avant le fait que « l'Union européenne deviendra plus démocratique et plus proche des citoyens grâce à l'extension des droits du Parlement européen prévue dans le traité ». « Le oui allemand incitera à un « oui » français à la fin du mois » a pour sa part espéré Martin Schulz, leader du groupe socialiste au Parlement européen. Claudia Roth, présidente des Verts, a qualifié la Constitution de « jalon essentiel dans la démocratisation de l'Union européenne ». Enfin, Angela Merkel, leader de la principale formation d'opposition, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) avait recommandé aux membres de son parti siégeant au Bundestag d'approuver le texte. « La grande majorité dira « oui », et c'est bien ainsi » a t-elle déclaré avant le vote. Elle ne cachait pas l'opposition au traité d'un petit nombre -une vingtaine- de membres de l'Union chrétienne-sociale (CSU). Ces députés reprochent à la Constitution européenne son absence de référence à Dieu et s'élèvent contre le processus d'élargissement en cours, et notamment contre une adhésion éventuelle de la Turquie. Reinhold Bocklet, responsable des questions européennes à la CSU, avait cependant appelé ces opposants à se conformer aux consignes de vote de leur formation.

La campagne et l'opinion publique

La campagne d'information du gouvernement, intitulée « l'Europe fait du bien à l'Allemagne », a été lancée le 4 avril dernier à la Porte de Brandebourg à Berlin par le ministre des Affaires européennes, Hans-Martin Bury. Un « bus de l'Europe » dans lequel se trouvent cinq animateurs sillonnera l'Allemagne jusqu'au début de l'année prochaine. Il s'arrêtera dans une cinquantaine de villes proposant débats, tests interactifs et conférences, notamment pour les scolaires. Le 10 mai, le gouvernement du chancelier Gerhard Schröder a lancé une campagne d'affichage dans soixante-six lieux publics très fréquentés de Berlin par le biais d'affiches citant des articles de la Constitution. Enfin, des brochures explicatives du texte sont proposées aux Allemands.

Peu d'enquêtes d'opinion ont été réalisées sur la Constitution européenne en Allemagne. Selon un sondage réalisé par l'institut Infratest-Dimap auprès de mille personnes du 4 au 6 mai pour la chaîne de télévision ARD, 59% des Allemands auraient voté « oui » à la ratification de la Constitution européenne, contre 15% qui se seraient prononcés contre. 26% des personnes interrogées se déclaraient indécises.

La ratification de la Constitution européenne par l'Allemagne ne sera véritablement effective qu'après la ratification du Bundesrat, Chambre haute du Parlement. Celle-ci est attendue pour le 27 mai et interviendra donc avant le référendum français. La grande majorité des cent soixante dix-huit membres du Bundesrat sont favorables à la ratification du texte européen.

Certains Länder, jaloux de leurs prérogatives, avaient exprimé des réticences à l'égard de la Constitution, craignant que leurs pouvoirs soient diminués. Plusieurs chefs de gouvernement régionaux avaient menacé de remettre à juin le vote du texte par le Bundesrat, estimant nécessaire que les Länder soient davantage consultés dans le processus de ratification. Le 28 avril, Gerhard Schröder a rencontré les présidents de Bavière, du Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat et de Berlin pour apaiser leurs inquiétudes. Il leur a notamment promis que leurs compétences européennes seraient élargies et que le Bundesrat serait associé à la désignation des juges de la Cour de justice de l'Union européenne. Le président de Bavière, Edmund Stoiber, a estimé avoir obtenu lors de son entrevue avec le Chancelier des « améliorations substantielles » et appelé les membres du Bundesrat à voter en faveur du texte le 27 mai prochain.

Rappelons qu'à l'occasion du traité de Maastricht, les Länder avaient déjà obtenu de l'Etat fédéral un accroissement de leur participation au processus communautaire, ce qui a d'ailleurs eu pour conséquence de rendre parfois difficile l'action des ministres allemands contraints de s'abstenir faute de position commune entre Berlin et les Länder.

Espérons que la ratification allemande soit un encouragement pour les Français qui seront les prochains à se prononcer, par référendum, trois jours avant les Néerlandais, sur le traité constitutionnel. « La France a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la France » déclarait Gerhard Schröder le 27 avril à la Sorbonne. « La France est LA nation fondatrice de l'Union européenne. Ce sont des hommes politiques comme Robert Schuman et Jean Monnet qui ont jeté les bases de l'union de l'Europe. Les Français doivent comprendre que c'est la France, par son vote, qui décidera de cet avenir commun » a souligné de son côté son ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer. Nul doute que pour les Allemands, la ratification ne sera véritablement acquise qu'avec le « oui » des Français.

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