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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Lors du référendum du 20 septembre prochain, les Lettons devront répondre à la question suivante : « Soutenez-vous l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne ? ». Le 8 mai dernier, la Saeima (Parlement monocaméral) a voté plusieurs amendements à la Constitution afin de permettre cette consultation électorale, les référendums sur des sujets internationaux n'étant pas autorisés par la Constitution de 1922, reprise après l'indépendance de 1991. Le référendum sur l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne ne sera valide que si au moins la moitié des électeurs ayant voté lors du dernier scrutin national, à savoir les élections législatives du 5 octobre 2002, se rendent aux urnes, soit 497 543 personnes. L'accession de la Lettonie à l'Union européenne devra donc être approuvée par au moins 250 000 électeurs pour être effective.
A un mois du scrutin, selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Latvijas fakti, 52,3% des Lettons s'apprêtent à accepter l'adhésion de leur pays à l'Union européenne le 20 septembre et 31,7% déclarent y être défavorables. Par ailleurs, 69% de la population déclarent être sûrs de voter au référendum.
La candidature de la Lettonie
La Lettonie a connu ces dernières années une croissance exceptionnelle : 6,8% en 2000, 7,6% en 2001 et 5% en 2002. Les privatisations se sont poursuivies à un rythme accéléré et les investissements étrangers sont importants. L'inflation s'établit à 2,5% mais le taux de chômage, qui a enregistré un certain recul, reste cependant élevé : 12% en 2002. Le pays accuse également un important retard concernant le niveau des salaires qui demeure l'un des plus faibles des pays candidats et ne représente que 33% de la moyenne de celui de l'Union européenne. Enfin, la Commission européenne a demandé à la Lettonie, dont le déficit public courant est important, de surveiller sa politique budgétaire.
Concernant l'agriculture, les Lettons ont obtenu une augmentation de leurs quotas de production et, comme beaucoup d'autres pays candidats, la possibilité de protéger leurs terres en empêchant que durant les sept années suivant l'entrée du pays dans l'Union européenne, soit jusqu'au 1er mai 2011, celles-ci puissent être achetées par des étrangers ou des citoyens européens ne pouvant justifier d'une activité agricole dans le pays au cours des trois dernières années. La Lettonie a par ailleurs modernisé ses structures administratives, créant un service vétérinaire et alimentaire et est donc apte à mettre en œuvre la Politique agricole commune.
Le pays est également prêt à intégrer la législation communautaire dans son droit interne. Si l'administration publique a été réformée en profondeur, des difficultés subsistent notamment dans les domaines de la fiscalité et de la gestion des fonds structurels. En outre, le système judiciaire doit encore être amélioré, son indépendance et son efficacité n'étant pas encore satisfaisantes au regard des exigences de l'Union européenne.
Indépendante entre les deux guerres mondiales, la Lettonie a connu à cette époque une forte croissance économique et un rayonnement culturel important à travers toute l'Europe. Occupée par les Soviétiques, les Nazis puis de nouveau par les Soviétiques, la République balte a souffert plus que ses deux voisines lituanienne et estonienne de la bataille que se sont livré pour son contrôle les puissances occupantes. De même, des trois Etats baltes la Lettonie a été celui dont la structure démographique a été la plus modifiée du fait de l'annexion soviétique. Au moment de l'indépendance en 1991, la nationalité lettone a été octroyée à l'ensemble des colons russes, biélorusses ou ukrainiens pouvant prouver que leurs ancêtres étaient nés dans le pays avant 1940. En 1994, une première loi a autorisé certains d'entre eux à demander la nationalité lettone, une démarche dans laquelle était exigée une bonne connaissance de la langue (seuls 1,4 million des habitants du pays parlent le letton) mais aussi de l'histoire, de la culture et de la Constitution du pays. Depuis 1995, les procédures de naturalisation ont été simplifiées et, en 1998, la loi sur la citoyenneté a été de nouveau amendée dans un sens plus favorable aux personnes désireuses d'acquérir la nationalité lettone. En mai 2002, le gouvernement a supprimé l'article exigeant de toute personne souhaitant intégrer la fonction publique une pratique courante du letton et en juin 2002 a lancé une campagne pour promouvoir la naturalisation. Cinquante-deux mille « non citoyens » ont obtenu la nationalité durant les sept dernières années, onze mille durant la seule année 2001 où un programme gouvernemental a été mis en place pour aider les minorités notamment dans l'apprentissage de la langue lettone. Selon les derniers chiffres officiels (2002), la Lettonie compte 58,2% de Lettons et 41,8% d'habitants de différentes origines ou nationalités (russe, biélorusse et ukrainienne). Les russophones constituent 34% de la population du pays (42,2% d'entre eux sont désormais citoyens lettons). A ce jour, environ 22% de la population, soit 530 000 personnes, n'ont pas encore la nationalité lettone. Lors des élections législatives du 5 octobre dernier, « Pour les droits de l'Homme dans une Lettonie unie » (FHRUL), qui regroupe trois partis de gauche défendant les intérêts de la minorité russophone et favorable à l'entrée du pays dans l'Union européenne, est devenu le deuxième parti de la Saeima en remportant 18,86% des suffrages et en obtenant vingt-quatre sièges.
L'opinion publique et l'intégration européenne
« Je pense que lorsque le moment viendra de prendre la décision, les électeurs lettons regarderont les autres pays candidats et se demanderont si nous devons être les seuls à rester derrière » déclarait la Présidente Vaira Vike-Freiberga à l'issue de sa réélection par le Parlement à la tête de l'Etat le 20 juin dernier. Les autorités lettones ont en effet fait le pari que le vote des huit autres Etats en faveur de l'adhésion à l'Union européenne aurait un effet positif sur la décision finale des Lettons, considérés avec leurs voisins estoniens comme la population la plus eurosceptique des pays candidats. Pari judicieux car si certains peuvent avoir eu des inquiétudes quant au véritable désir d'Europe des Lettons, il semble désormais plus que probable que ceux-ci décident le 20 septembre prochain de rejoindre les Quinze. Depuis octobre 2002, le nombre de personnes soutenant l'intégration européenne n'est jamais descendu en dessous de 50% de la population.
Dans une enquête d'opinion réalisée en juin dernier par l'institut SKDS, 55,6% des Lettons s'apprêtaient à voter en faveur de l'adhésion de leur pays à l'Union européenne le 20 septembre, 28,5% y étant hostiles et 15,9% de la population n'ayant pas encore fait leur choix. Parmi les personnes interrogées, 85% affirmaient être sûres de se rendre aux urnes pour le référendum et 77% estimaient peu probable de changer de position. Le nombre des partisans de l'intégration européenne enregistrait ainsi une légère hausse (+ 3,7 points) par rapport au mois précédent puisqu'en mai dernier, l'enquête réalisée par le même institut révélait que 51,9% des Lettons approuvaient l'adhésion de leur pays à l'Union européenne pour 29,5% qui y étaient opposés et 18,8% encore indécis.
La campagne électorale
La Présidente Vaira Vike-Freiberga a fait de l'adhésion de son pays à l'Union européenne sa priorité et ce depuis son premier mandat (1999-2003). « Nous devons assurer que la Lettonie puisse participer aux prises de décision hors de ses frontières, que la Lettonie soit capable de défendre ses intérêts, que la Lettonie puisse se faire entendre » déclarait-elle le 20 juin dernier. La réunification de l'Europe n'est pas seulement, pour la Présidente, la garantie d'un avenir meilleur mais également une revanche sur un passé douloureux : « Une Europe véritablement réunie deviendra une sorte de revanche pour toutes les injustices et les humiliations qu'ont dû subir des dizaines de millions d'Européens durant un demi-siècle d'oppression communiste » déclarait-elle le 2 octobre dernier. Cependant, la Présidente n'a eu de cesse de rappeler que le vote des Lettons au référendum était loin d'être acquis. « Notre gouvernement va devoir travailler très sérieusement afin de présenter aux Lettons une explication claire des acquis et des coûts de l'adhésion» affirmait-elle le 18 septembre 2002. Le 29 mai dernier, Vaira Vike Freiberga rappelait également aux membres de la Saiema qu'ils devaient faire œuvre de pédagogie envers la population : « Les politiciens ont la lourde responsabilité d'expliquer au peuple la nécessité de l'adhésion à l'Union européenne ».
Toute la classe politique lettone est mobilisée autour du référendum du 20 septembre. Le Premier ministre Einars Repse (Nouvelle Ere) a demandé aux membres de la Saeima de « s'engager dans la préparation du référendum et de participer activement à informer les Lettons des changements que l'entrée du pays dans l'Union européenne apportera à leurs vies ». Les six formations politiques représentées au Parlement - Nouvelle Ere (JL), Pour les droits de l'Homme en Lettonie unie (FHRUL), Parti du peuple (TP), Union des fermiers et des Verts (ZSS), Premier de Lettonie et Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) - sont favorables à l'intégration européenne du pays. L'Union des fermiers et des Verts, qui avait émis des réserves avant les élections législatives du 5 octobre 2002, s'est finalement engagée en faveur de l'adhésion.
« Non à l'Union européenne », également appelé « L'indépendance en dehors de l'Union européenne », est le principal mouvement d'opposition à l'intégration. Selon son leader Janis Sils, des alternatives à l'adhésion existent. Son mouvement est composé du syndicat des enseignants lettons, de celui des fermiers de la région de Bauska et du club 415, organisation d'étudiants, de professeurs et de certains hommes d'affaires, et rassemblerait, selon les dires de son dirigeant, environ trois mille personnes.
Le gouvernement a alloué un million de lats (1,59 million d'euros) à la campagne électorale. « C'est la première fois que la Lettonie destine autant d'argent à la communication avec la population avant un référendum » a affirmé la porte-parole du ministère des Finances Baiba Melnace. « Votre choix, notre avenir » est le slogan officiel de la campagne lettone. Le gouvernement a obtenu des joueurs de l'équipe nationale de hockey sur glace, sport national en Lettonie, qu'ils arborent sur leurs maillots les symboles choisis par le gouvernement pour la campagne. « Il s'agit d'une opportunité extraordinaire de montrer à tout un chacun que la Lettonie a sa place en Europe, qu'elle est déjà européenne » affirme Ieva Stare, porte-parole du groupe d'information pour le référendum.
La campagne devant avoir lieu pendant l'été, période plus propice aux vacances qu'aux débats politiques, le gouvernement a décidé d'organiser de nombreux événements festifs pour informer la population et sensibiliser les Lettons aux enjeux de l'adhésion à l'Union européenne. Durant l'année, six « semaines européennes », auxquelles ont participé conjointement les autorités politiques, les organisations non gouvernementales et la délégation de l'Union européenne pour la Lettonie, se sont déroulées à travers le pays. Des débats ont également été organisés dans les écoles, diverses personnalités se sont rendues dans les différentes régions du pays et dans les entreprises pour débattre de l'Union européenne avec la population. Enfin, le compositeur et pianiste Raimonds Pauls a organisé plusieurs concerts gratuits à travers le pays, occasion pour lui de mobiliser les spectateurs autour de l'intégration de la Lettonie.
A trois semaines du référendum, le « oui » bénéficie d'une légère avance, mais les jeux sont cependant loin d'être faits. La Présidente Vaira Vike Freiberga a bien compris qu'il fallait, jusqu'au 20 septembre, ne manquer aucune opportunité de convaincre les Lettons et la campagne bat donc son plein.
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