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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
« Soutenez-vous l'accession à l'Union européenne et l'adoption d'une loi d'amendement à la Constitution de la République estonienne ? », telle est la question à laquelle les Estoniens devront répondre le 14 septembre prochain lors du référendum sur l'intégration européenne de leur pays. Dans cette république balte, aucun seuil minimum de participation n'est requis par la loi électorale pour la validation du référendum.
Le 18 décembre dernier, quatre-vingt huit des cent un membres du Riigikogu (Parlement monocaméral) ont voté en faveur de l'amendement à la Constitution qui permettra à la République balte de rejoindre l'Union européenne le 1er mai 2004.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée au début du mois d'août par l'institut d'opinion Emor, 70% des Estoniens prévoient de participer au référendum le 14 septembre; 69% s'apprêtant à voter en faveur de l'adhésion de leur pays à l'Union européenne et 31% contre.
La candidature de l'Estonie
L'Estonie fait partie du groupe de pays candidats avec lesquels l'Union européenne a ouvert les premières négociations le 31 mars 1998. Le pays connaît un taux de croissance élevé : 5,6% en 2002 et 5% prévus pour cette année. L'inflation est basse (3,6% en 2002) et le chômage (11,2%) est en hausse par rapport aux années précédentes. La monnaie (couronne estonienne) est stable, à parité fixe avec l'euro ; l'euro fiduciaire a été introduit dans le pays en janvier 2002. Enfin, l'excédent budgétaire représente 1,1% du PIB. Seul point noir de l'économie : la forte aggravation des déséquilibres extérieurs puisque le déficit de la balance courante a représenté 11,5% du PIB en 2002.
L'Estonie possède un niveau d'alignement élevé sur l'acquis communautaire. La réforme de l'administration publique a porté ses fruits même si des efforts restent à fournir pour moderniser les collectivités territoriales qui souffrent de l'absence de cadres locaux et de l'insuffisance de leurs ressources fiscales. Le pays doit également poursuivre la modernisation de son système judiciaire, et notamment pourvoir les nombreux postes de magistrats encore vacants et améliorer la qualité et l'exécution des décisions de ses tribunaux.
République la moins peuplée des trois Etats baltes (1,4 million d'habitants), l'Estonie possède une importante minorité russophone : 400 000 personnes, soit 29% de sa population. Au moment de l'indépendance en 1991, la loi a octroyé la nationalité estonienne à toute personne résidant dans le pays avant 1940 ainsi qu'à ses descendants. En 1995, le Riigikogu a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté encore plus exigeante que la précédente. Pour obtenir la nationalité, toute personne doit désormais avoir vécu en Estonie au moins les cinq années précédant la demande et une année supplémentaire après celle-ci, connaître la Constitution et la loi sur la citoyenneté, percevoir un revenu légal et suffisant pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et enfin prêter serment d'allégeance à la République estonienne. L'exigence la plus contraignante reste linguistique, la protection de la langue et de la culture estoniennes constituant l'une des priorités de la jeune République. La connaissance de l'estonien a ainsi été rendue obligatoire pour exercer certaines professions ou accéder à certaines fonctions. Le Riigikogu a néanmoins aboli fin 2001 l'obligation de parler couramment l'estonien auparavant exigée des candidats aux élections locales et législatives.
Depuis 1991, plus de cent vingt mille des « non citoyens » ont opté pour la nationalité estonienne, quatre-vingt dix mille choisissant la citoyenneté de la Fédération de Russie. Restent cent soixante-dix mille personnes qui vivent toujours en Estonie sans être devenues citoyens estoniens. Ce nombre, élevé, est toutefois en diminution plus rapide qu'en Lettonie voisine. De même, la récente disparition des formations politiques russophones témoigne de l'intégration de la minorité russophone qui possède le droit de vote aux élections locales. Enfin, la reconnaissance récente de l'église orthodoxe russe, placée sous l'autorité du patriarche de Moscou, et de ses dix mille fidèles vivant dans le pays, a contribué à apaiser le climat politique et mis fin à des années de tension avec la Russie.
L'opinion publique et l'intégration européenne
Longtemps considérés avec les Lettons comme la population la plus eurosceptique des pays candidats, les Estoniens sont dorénavant une majorité à se déclarer favorables à l'adhésion de leur pays à l'Union européenne. En mai dernier, le vote positif des Lituaniens a fait grimper le taux de soutien des Estoniens à l'adhésion à l'Union européenne. Selon l'institut TNS Emor, le pourcentage des opinions favorables à l'intégration européenne, qui était de 50% à la veille du référendum lituanien, s'élevait à 59% à l'issue du vote de leurs voisins baltes. Durant les trois dernières années, certains événements, telle la victoire en 2000 de l'Estonie au concours Eurovision de la chanson, ont fortement contribué à augmenter le soutien à l'adhésion du pays à l'Union européenne. D'autres, en revanche, ont joué un rôle plus négatif ; ainsi, en juillet 2001, la maladie de la vache folle, associée par la population à l'Union européenne, a fait chuter le nombre des Estoniens favorables à l'intégration européenne de leur pays.
A trois semaines du référendum, le soutien à l'adhésion est monté en flèche approchant les 70% dans les dernières enquêtes d'opinion pour 30% de « non » alors que depuis janvier 2002, les adversaires de l'intégration européenne représentaient régulièrement entre 35% et 45% de l'électorat. Selon les analystes politiques, ce sursaut est dû à l'intensification de la campagne d'information du gouvernement.
La campagne électorale
« L'Estonie fait et fera toujours partie de l'Europe », ainsi s'expriment le Président de la République, Arnold Rüütel, le Premier ministre Juhan Parts (Res Publica) et la Présidente du Riigikogu, Ene Ergma (Res Publica) dans une déclaration publiée le 25 juin dernier. Les trois personnalités mettent l'accent sur la garantie que représente l'adhésion à l'Union européenne pour l'avenir de la langue et de la culture estoniennes et pour la stabilité politique et économique du pays. « Nous invitons tous les citoyens d'Estonie à voter « oui » le 14 septembre prochain et à participer à l'avenir du pays », concluent-ils dans leur déclaration commune à laquelle tous les ministres du gouvernement ont apposé leur signature. En vue de la campagne du référendum, les autorités ont mis en place à travers le pays quinze agences d'information sur l'Union européenne, de multiples centres téléphoniques ont également été ouverts pour répondre à toutes les questions émanant de la population. L'un des journalistes les plus renommés du pays, Hannes Rumm, a été nommé, il y a deux ans, chef du service d'information gouvernemental sur l'Union européenne.
Un budget de 1 050 000 couronnes estoniennes (environ soixante dix-huit mille euros) a été alloué à la campagne référendaire. Cette somme sera partagée entre les opposants à l'intégration européenne, représentés principalement par deux mouvements « Non à l'Union européenne » dirigé par Uno Silberg et « Notre Etat » et les formations favorables à l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne. Celles-ci bénéficieront par ailleurs d'une somme de 500 000 couronnes (environ trente-huit mille euros) de la part d'Open Estonia, organisme dépendant de l'Institut Open Society dirigé par le milliardaire américain George Soros.
Le Parti du centre (EK), principale formation d'opposition du pays et premier parti du Riigikogu, (dirigé par Edgar Savisaar, il a recueilli 25,4% des suffrages lors des dernières élections législatives du 2 mars dernier et remporté 28 sièges au Parlement) a choisi le 9 août dernier, lors de son congrès, de s'opposer à l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne. Trois cent quarante et un de ses membres ont voté contre l'intégration européenne du pays, deux cent trente-cinq pour et deux cent vingt-sept « afin que chacun vote selon sa conscience ». Neuf personnalités de cette formation de centre-gauche, dont le porte-parole Peeter Kreitzberg et huit anciens ministres (Jaanus Marrandi, Sven Mikser, Siiri Oviir, Mailis Reps, Ain Seppik, Liina Tonisson, Toomas Varek et Harri Ounapuu), ont aussitôt signé une déclaration conjointe dans laquelle ils affirment ne pas se sentir engagés par la décision de leur parti de voter « non » au référendum du 14 septembre et s'engager à continuer à faire campagne en faveur du « oui ».
Une majorité d'Estoniens se déclarent en faveur de l'adhésion de leur pays à l'Union européenne à trois semaines du référendum. Il serait bien que ce référendum soit l'occasion d'une prise de conscience par la population des enjeux sur lesquels elle est appelée à se prononcer et de l'expression de son désir d'Europe.
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