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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
« Etes vous d'accord pour que Malte devienne membre de l'Union européenne le 1er mai 2004 ? », telle sera la question sur laquelle les trois cent quatre vingt onze mille Maltais devront se prononcer le 8 mars prochain. La petite île de la Méditerranée est ainsi le premier des nouveaux membres à organiser un référendum sur son entrée dans l'Union européenne. Malte est également le seul des pays membres dans lequel l'une des deux grandes formations politiques, à savoir le Parti travailliste (LP) actuellement dans l'opposition, fait campagne contre l'intégration. La question européenne est l'enjeu d'un véritable débat et, en dépit d'une légère avance du « oui » dans l'ensemble des enquêtes d'opinion, le résultat du référendum n'est rien moins qu'assuré, Malte étant l'un des plus eurosceptiques des pays candidats.
La candidature de Malte
Malte est considéré comme l'un des plus riches des pays candidats et pourrait devenir, si sa population accepte l'adhésion, le plus petit des Etats de l'Union européenne. L'archipel composé des îles de Malte, Gozo et Comino réalise aujourd'hui 75% de son commerce extérieur avec l'Union. Le tourisme constitue sa ressource principale et contribue à hauteur de 35% au PIB national. La croissance est élevée avec un taux d'accroissement du PIB de 4,1% en 2002 (4,4% en 2001). Le pays, qui dispose d'un revenu par habitant comparable à celui du Portugal, possède la troisième flotte commerciale du monde en nombre de navires et l'île a entrepris, sous l'égide de l'Union européenne, une réforme de son code maritime pour se débarrasser de son étiquette de pavillon de complaisance.
Malte a obtenu soixante dix-sept dérogations lors du Conseil européen de Copenhague les 12 et 13 décembre derniers dont la neutralité de l'île, le maintien de son taux de TVA zéro (notamment pour les produits pharmaceutiques), la limitation jusqu'en 2008 de la libre circulation des travailleurs, une zone de vingt-cinq miles pour ses pêcheurs, la limitation de l'achat de propriétés par les non-Maltais et un protocole sur l'avortement (l'avortement et le divorce sont interdits dans cette île où huit habitants sur dix sont des catholiques pratiquants). En outre, les Maltais ont obtenu le droit de chasser les oiseaux migrateurs au printemps, arrangement décisif, la chasse constituant un véritable sport national pratiqué par environ dix-huit mille personnes et la Fédération des chasseurs et des trappeurs, dirigée par Lino Farrugia, représentant jusqu'alors une partie importante des opposants à l'Union européenne.
La situation à un mois du référendum
Les dernières enquêtes d'opinion de la mi-janvier donnent pour la première fois un léger avantage aux « oui » qui recueillerait 53% des suffrages. Cependant, 30% des Maltais se déclarent encore indécis. Dans la dernière enquête Eurobaromètre de l'automne 2002, si 45% des Maltais estiment que l'adhésion de leur pays serait une bonne chose, un résultat qui place l'île à la cinquième place des pays candidats, ils ne sont que 49% à estimer que leur pays profitera de son intégration à l'Union européenne et 50% à avoir confiance dans l'Europe. Des réponses qui placent Malte parmi les trois pays les moins favorables à l'Union (avec deux Républiques baltes : la Lettonie et l'Estonie). Malte se distingue cependant par la forte population de ses citoyens se déclarant bien informés sur l'Europe (54%).
Le Parti travailliste (LP) est donc opposé à l'intégration dans l'Union. Son leader Alfred Sant avait d'ailleurs gelé la candidature du pays lors de son arrivée au pouvoir en 1996. Les dernières élections législatives du 5 septembre 1998 avaient pris l'allure d'un véritable référendum sur l'adhésion de l'île à l'Union européenne. Elles ont été remportées par le Parti nationaliste (MLP) de l'actuel Premier ministre Eddie Fenech Adami qui a aussitôt relancé la candidature de l'île à l'adhésion. A présent, Alfred Sant défend, plutôt qu'une adhésion, un partenariat avec l'Union, plaidant pour un statut d'Etat associé qui permettrait à Malte de conserver ses liens privilégiés avec les Etats-Unis mais surtout avec la Libye. « Le ministre des Affaires étrangères libyen m'a dit que 35% des accords avec la Libye allaient être revus si Malte entre dans l'Union » a déclaré George Vella, numéro deux du Parti travailliste. De même, les travaillistes répètent que l'adhésion de l'île à l'Union ferait fondre les bénéfices que le pays retire du tourisme. Aujourd'hui, 65% des revenus du tourisme profitent directement aux Maltais ; selon les travaillistes, cette proportion tomberait à 40% en cas d'intégration du pays à l'Union. Alfred Sant s'appuie également sur la dimension du pays pour rejeter l'adhésion : « Les règles de l'Union ont été faites pour les grands pays continentaux et vont peser lourd sur une petite île comme Malte ». Le Parti travailliste conseille à ses électeurs de voter pour le « non » ou bien encore de boycotter le référendum. Alfred Sant a proposé la semaine dernière que le référendum soit reporté au lendemain des élections législatives qui auront lieu en septembre prochain et que son résultat ne soit avalisé que si au moins 60% des électeurs choisissent de voter pour le « oui » ou pour le « non ». Le gouvernement a refusé la proposition.
Le Parti nationaliste (MLP) est, quant à lui, une formation fortement pro-européenne. Son leader, le Premier ministre Eddie Fenech Adami, se fait fort de rassembler l'ensemble des Maltais et souhaite que les partis politiques dépassent leurs différends face à une décision qui engage de façon si importante l'avenir du pays. « De grandes possibilités s'offrent à nous. Nous le voyons quand nous regardons les pays qui ont rejoint l'Union et qui nous servent aujourd'hui de repères pour l'avenir. Nous ne pouvons dire non à cet avenir de progrès et d'une vie meilleure pour chacun d'entre nous. L'un des partis politiques pense avoir une meilleure solution (que l'adhésion à l'Union) mais le choix est entre vos mains. Un tel choix ne se représentera pas » a déclaré le Premier ministre le 1er février dernier. Le Parti nationaliste a centré sa campagne sur l'apport bénéfique de l'adhésion pour l'économie maltaise et sur l'importance pour le pays de participer à l'élaboration des décisions européennes.
Si le « oui » bénéficie d'une légère avance, les jeux sont cependant loin d'être faits dans un pays où les élections se jouent habituellement dans un mouchoir de poche et où la loyauté envers les formations politiques est particulièrement élevée. Si le référendum n'est que consultatif, la question de l'adhésion à l'Union devant être définitivement tranchée lors des prochaines élections législatives du mois de septembre, il n'en reste pas moins qu'un résultat négatif serait considéré comme un grave échec pour le gouvernement maltais comme pour l'ensemble des Quinze, sans parler des conséquences qu'il pourrait entraîner chez les eurosceptiques des autres pays candidats qui se prononceront dans les prochains mois.
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