L'UE et ses voisins orientaux
Alexandre Milinkievitch
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Alexandre Milinkievitch
Fondation Robert Schuman (FRS) - Quel est l'état d'esprit de la population biélorusse à la veille de l'élection présidentielle du 19 mars prochain ?
Alexandre Milinkievitch (AM)
- En Biélorussie, la majorité des citoyens veut tout d'abord être libre. 70 % de la population estime que c'est la chose la plus importante. Le soutien à Loukachenko diminue dans l'opinion publique. Il n'a pas de majorité réelle. Seuls 25 à 30 % de la population l'approuvent vraiment.
Le soutien de la population à notre égard est quasi équivalent. Ce qui fait qu'actuellement, environ 40 % des Biélorusses ne se sont pas encore décidés. Ils n'aiment plus Loukachenko, mais ils ne connaissent pas l'opposition et ne comprennent pas bien ce qu'est la démocratie.
Il y a quelques semaines encore, seulement 4 % de la population connaissait mon nom. Ils sont près de 70 % désormais et cela, sans l'aide ni de la radio ni de la télévision puisque la propagande politique est interdite. Ce n'est que le début. Je pense que nous avons de réelles chances de gagner.
FRS - Vous pensez donc pouvoir gagner les élections ?
AM
- Il n'y a pas, à proprement parler, d'élection dans notre pays. Il s'agit d'une campagne orchestrée par Loukachenko pour se faire renommer à la présidence de la République. Mais nous entendons utiliser cette campagne et profiter de cette occasion pour aller vers les gens, faire du porte-à-porte, transmettre l'information au citoyen – une information dont il ne dispose pas – et lui donner la possibilité de discuter. La démocratie, c'est un long processus.
Le 19 mars prochain, nous avons la possibilité de recueillir plus de voix que Loukachenko. Nous voulons en profiter pour dire "non" à son régime, même s'il va sans doute réprimer les manifestations qui auront lieu dans la rue.
S'il parvenait à rester en place, personne ne devrait baisser les bras. Au bout du compte, c'est lui qui serait le perdant, car son autorité ne cesse de diminuer.
FRS - Après les expériences en Géorgie et en Ukraine, vous croyez donc malgré tout à l'hypothèse de la diffusion du processus démocratique en Biélorussie ?
AM
- Oui, parce que c'est la loi de la nature. Quand ? C'est difficile à dire. Peut-être le 19 mars ? Nous faisons tout pour cela. Sinon ce sera plus tard. Quoi qu'il en soit, nous y parviendrons. Que ce soit en matière économique ou sociale, Loukachenko ne changera pas. Son régime est isolé. Ce qu'il y a de plus important pour notre mouvement, c'est de durer jusqu'à l'avènement de la démocratie.
FRS - Vous êtes très présent à Bruxelles et ailleurs. Vous avez rencontré beaucoup de monde. Qu'attendez-vous de ces rencontres ?
AM
- Depuis l'année dernière, la Russie s'intéresse beaucoup à notre mouvement. Mais je ne pensais pas rencontrer les plus grands responsables politiques européens. Qu'est-ce que cela démontre ? Que l'Europe a compris que le régime de Loukachenko était impossible à réformer. L'Europe œuvre pour la démocratie, son soutien moral est très important pour nous. Auparavant, la majorité des gens ne croyait pas que nous pouvions changer les choses. Les rencontres que nous avons montrent que les Européens attendent l'avènement de la démocratie en Biélorussie. Dans mon pays, certains pensent que le modèle démocratique européen n'est pas transposable. Et nous, nous démontrons le contraire. L'Europe nous attend. La collaboration est possible mais, pour cela, il faut rétablir des conditions normales.
FRS - Quelle aide vous a-t-on concrètement proposé ?
AM
- Les propositions concrètes sont nombreuses et c'est vraiment nouveau. Jusque là, le soutien avait surtout été moral. Dorénavant tout le monde nous dit : « Nous vous soutenons. Que pouvons-nous faire pour vous aider ? ».
La chose la plus importante est l'accès à l'information. L'information libre n'existe pas en Biélorussie. De ce point de vue, l'aide proposée par l'Union européenne est très importante. Ensuite, nous souhaitons de l'aide pour empêcher la répression, pour éviter que des jeunes soient rejetés des universités, pour trouver les moyens de permettre à nos jeunes de continuer leurs études dans différents pays, surtout chez nos voisins immédiats.
Il s'agit aussi de soutenir les programmes de stage pour les jeunes à l'étranger. Dans tous ces domaines, le soutien actuel de la société civile européenne est très important. Il restera essentiel après l'élection du 19 mars. Même si la démocratie réussit à s'imposer, cela ne se fera pas en un seul jour. Instaurer la démocratie en Biélorussie est un énorme travail.
FRS - Comment envisagez-vous votre avenir politique après le 19 mars ?
AM
- Je suis sûr que nous avons une chance de gagner. Dans ce cas, nous mettrons en place le programme que nous avons annoncé. Si ce n'est pas le cas, il ne faut surtout pas se laisser gagner par le pessimisme, et ce ne sera pas mon cas. Il faudra continuer le travail pas à pas. Déjà, nous avons des résultats et je suis convaincu que la démocratie finira par s'imposer….C'est la loi de la nature.Directeur de la publication : Pascale Joannin
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